Face aux transformations et ruptures de toutes sortes, l’agilité devient une condition de survie.
Face aux ruptures technologiques, sociétales et géopolitiques, la transformation agile constitue un levier de survie des entreprises. Même si les équipes aspirent souvent à travailler en mode agile, il ne faut pas sous-estimer la profondeur du changement ni la durée d’acculturation de toute la chaine de décision.
Comment l’agilité sert-elle les ambitions de l’entreprise digitale ?
Pour moi, parler d’entreprise digitale n’a plus de sens. Le digital est au cœur de toutes les transformations. Les individus sont connectés et interagissent via internet ; les objets, de plus en plus connectés, participent aussi aux interactions sociales. Les jeunes générations sont des digital natives, comme les start-ups. Les entreprises performantes, nées avant les années 90, ont intégré le digital au cœur de leur stratégie. Je dirais donc que l’agilité sert la stratégie de toute entreprise soucieuse de son futur. Elle est devenue cruciale pour deux raisons :
- L’accélération des nouvelles technologies, qui se développent en parallèle ou se renforcent mutuellement, ouvre des champs d’innovation insoupçonnés : l’intelligence artificielle, l’hyper-connectivité, la réalité augmentée, la réalité virtuelle…
- Le monde dans lequel nous vivons est de moins en moins prédictible.
Face aux transformations et ruptures de toutes sortes, l’agilité devient une condition de survie. Elle est, avant tout, la capacité à s’adapter au plus vite à la réalité du terrain et aux réactions de son environnement : ses clients, ses concurrents, l’industrie, etc.
Qu’apporte l’agilité dans une transformation vers le digital ?
La transformation digitale ne se résume pas à un enjeu technique. L’implémentation des innovations technologiques transforme en profondeur l’organisation et la culture d’une entreprise. Les géants du Net ne sont pas uniquement des entreprises technologiques. Ils se distinguent surtout par leur capacité à s’adapter face à l’imprédictibilité et par leur agilité à tous les niveaux : infrastructure, vitesse de réaction, façon de développer des solutions, modes de collaboration entre le business et la technique, approche stratégique. Ils vont chercher de la valeur dans des délais très courts et testent les hypothèses de solutions dans la vraie vie. Le modèle des années 2000 de conception-déploiement d’un projet sur 3 ans est bien fini ! L’entreprise agile définit la vision d’un projet. Quelques semaines plus tard, elle teste déjà des fonctionnalités, à l’aide de techniques simples, pour obtenir très vite le retour des clients et s’assurer que la solution répond à un véritable besoin.
Comment l’agilité sert-elle les enjeux d’une direction technique engagée dans l’innovation ?
L’agilité permet d’aligner une stratégie technique avec une stratégie business dans la mesure où les équipes techniques collaborent étroitement avec les équipes du marketing et des ventes pendant toute la phase de développement. Alors, la direction technique, souvent perçue comme un centre de coûts, se transforme en un centre de développement du business et du profit. Elle devient ainsi le cœur du réacteur de beaucoup d’entreprises ! Cette évolution contribue non seulement à l’atteinte des enjeux business de l’entreprise, mais aussi à la production d’innovations, à la satisfaction des collaborateurs en place et l’attraction de nouveaux talents. En cassant les silos entre le business et la technique, l’agilité permet à des métiers qui ne se parlaient pas de discuter de façon ouverte et transparente, de mieux comprendre les contraintes des uns et des autres, de faire émerger ensemble des solutions innovantes et gratifiantes.
Comment déployer l’innovation et à quelle échelle ?
Il ne faut pas sous-estimer le changement profond que constitue une évolution vers l’agilité. Même si les collaborateurs ont envie de travailler en mode agile, l’acculturation est longue. Les rôles changent comme les pratiques de travail : la façon de collaborer, d’aller chercher du feedback client, de prendre des décisions... Pour réussir, il faut commencer modestement :
- Mobiliser une petite équipe agile (5 à 10 personnes) sur un vrai projet répondant à un réel enjeu business ; les expérimentations purement méthodologiques ne servent à rien.
- Veiller à ce que l’équipe intègre des collaborateurs IT et des collaborateurs business. Si le business n’est pas associé de bout en bout, ce sera du développement itératif qui n’apportera pas le gain escompté : une réduction du délai entre l’idée d’une solution et sa livraison au client.
- Désigner un sponsor au sein de la direction pour intégrer toute la chaine de commande et de décision de l’entreprise dès le démarrage du projet.
- S’assurer que les méthodes et techniques agiles sont bien utilisées en s’appuyant sur un coach agile.
Ensuite, on passera à l’échelle, en mobilisant des centaines de personnes sur des programmes plus importants.
Le passage à l’échelle devrait permettre d’arriver à terme, à une agilité stratégique, une véritable révolution dans les grands groupes ! Je pense que le temps du plan stratégique détaillé à 5 ans est révolu. Il faut conserver une stratégie et une vision à 5 ans et, à la lumière des feedbacks de l’agilité, la faire évoluer tous les ans, puis chaque semestre, voire chaque trimestre.
Comment l’agilité impacte-t-elle les différents métiers d’une direction technique ?
Les métiers de la direction technique étaient bien silotés au sein de différents départements : architecture, design, développement, test, déploiement, opérations... Chaque métier avait un rôle précis. Les points de passages entre les départements étaient très formels avec des étapes à respecter et très peu, voire pas d’échanges. L’agilité casse ce modèle. Des rôles disparaissent ; d’autres apparaissent. Lorsque les compétences restent, la façon d’exécuter son métier change fondamentalement.
Qu’apporte l’agilité aux collaborateurs ?
Nos enquêtes internes sont unanimes : plus de 90% des collaborateurs travaillant en mode agile veulent continuer ! En effet, l’agilité, qui rapproche l’exécution de la stratégie, donne du sens à leur travail. Ils comprennent mieux ce qu’ils font, pourquoi ils le font. Ils ne sont pas là uniquement pour produire des lignes de codes, mais pour délivrer une solution noble, inspirante, différente. Ils ont une vision globale et plus rapide de la valeur qu’ils apportent. Ils deviennent acteurs, à travers la collaboration directe qui, dans un cadre bien défini, donne à chaque salarié comme à l’équipe de l’autonomie, un pouvoir de décision sur des cycles courts et la possibilité de regarder au-delà de son métier.
Quelles bonnes pratiques mettre en œuvre pour mener les changements et embarquer les équipes ?
Modifier des pratiques de travail profondément ancrées dans les comportements, est un chemin difficile et long. La formation, importante, ne suffit pas. Je crois beaucoup à la pratique encadrée par des coachs qui aident les équipes sur de vrais projets menés de bout en bout avec des méthodes, des techniques, de l’observation, de la réorientation.
Embarquer toute la chaine de décision de l’entreprise est essentiel. L’agilité modifie profondément le rôle des managers et des dirigeants qui doivent intégrer le changement. Si la stratégie, la vision, les grandes orientations restent à la main des dirigeants, les décisions opérationnelles ne descendent plus de la hiérarchie. Elles émanent de l’intelligence collective des équipes de l’exécution dont le rôle est d’implanter la stratégie en contact direct avec le client sur la base de ses feedbacks.
Enfin, il faut installer un accompagnement sur la durée jusqu’à ce que les équipes aient intégré les nouveaux comportements, les incarnent, deviennent autonomes et s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue qui est l’enjeu ultime de l’agilité.