Les approches « centrées utilisateur », et notamment le Design Thinking, font la part belle aux ateliers d’idéation. Ceux-ci regroupent généralement une sélection variée de profils dans la même salle pour imaginer et proposer des solutions innovantes à un problème.
La propagation de l’épidémie de Covid-19, le confinement ainsi que les limitations de déplacement et de réunion rendent impossible l’organisation d’ateliers en présentiel. Ce type d’atelier peut toutefois être maintenu dans un format « à distance » à condition d’être adapté. Dès lors, de nombreuses interrogations se posent :
- Comment garder les participants concentrés et engagés ?
- Comment s’outiller et s’approprier les outils collaboratifs, alors même que ce n’est pas en ligne avec le principe « Low-Tech/High-Touch » des méthodes agiles ?
- Comment gérer le risque d’interruption, omniprésent, quand tout repose sur l’utilisation d’outils techniques ?
- Comment maîtriser son temps, alors que les prises de parole et l’animation des exercices tendent à s’allonger à distance ?
Nous avons pu éprouver la méthode Design Thinking à distance et en avons tiré plusieurs enseignements pour la conduite d’ateliers. Nous avons identifié 4 familles d’actions qui peuvent être engagées dans le but de créer un atelier idéal :
Planifier et préparer
A l’instar d’un atelier en présentiel, la préparation est clef dans la réussite d’un atelier à distance. Tous les aspects doivent être pensés en amont et minutieusement préparés : les exercices, le timing, les outils techniques, les relances des participants, les pauses. Pour cela, nous proposons plusieurs bonnes pratiques :
- Organiser plusieurs ateliers courts : en Design Thinking, il est d’usage de conduire des ateliers sur toute une demi-journée, voire une journée entière. A distance, nous recommandons de privilégier une série de petits ateliers de 1h à 1H30 sur plusieurs jours.
- Ecrire le déroulé minuté de l’atelier : rédiger et minuter l’ensemble des étapes de l’atelier (accueil des participants, exercices incluant le temps de réflexion et restitution, pause, …). Nous recommandons d’ajouter 1/3 du temps comme marge pour éviter les débordements.
- Faire un test à blanc : organiser en interne un test grandeur nature en invitant des collaborateurs à tester vos exercices et observer si ceux-ci produisent les livrables désirés, s’ils suscitent des interrogations, s’ils sont propices à la discussion et s’ils laissent placent à l’échange.
- Partager des éléments en amont : nous recommandons d’envoyer l’agenda, ainsi que les éléments clefs - ceux dont la compréhension est essentielle à la réussite de l’atelier. Cela permet aux participants de s’approprier la matière qui sera utilisée en séance.
- Préparer les outils techniques : les outils techniques (app, visio, site web) nécessitent parfois une inscription ou une installation préalable. Il vaut donc mieux privilégier les outils qui ne nécessitent ni inscription ni téléchargement, ni la redoutée installation de plugin ! Le cas échéant, il faut partager ces éléments en amont, afin que les participants puissent anticiper et que ce temps ne soit pas futilement perdu le jour de l’atelier.
Contextualiser
En présentiel, comme à distance, il est bénéfique pour le déroulé de l’atelier et de chaque exercice de rappeler le contexte en préambule. En présentiel, les éléments de réflexion restent généralement affichés sur les murs de la salle pendant la séance (à la manière d’un « information radiator » dans la pratique de l’agilité) et les participants peuvent y revenir à n’importe quel moment. En revanche à distance, les participants n’ont pas cette possibilité. Il est bénéfique de rappeler les objectifs, le contexte et les problèmes à résoudre tout au long de l’atelier.
- Partager l’agenda : commencer l’atelier en partageant l’agenda (celui-ci devrait également être envoyé en amont de la séance, pour une meilleure appropriation par les participants)
- Définir les objectifs et le périmètre : en introduction de l’atelier, il est essentiel de rappeler l’objectif et le périmètre de réflexion de la séance
- Contextualiser chaque exercice : avant chaque exercice, rappeler sa raison d’être, son objectif et son périmètre. Penser également à bien expliquer l’exercice, à l’illustrer avec des exemples et à clarifier les concepts et vocables que tous les participants ne maitrisent pas forcément (ex : douleurs, parcours client, personae, prototypage, business model, etc…)
Simplifier et aérer
Les interactions étant plus difficiles à distance, il convient de simplifier le plus possible les exercices de l’atelier. Cela facilite leur prise en main et encourage les participants à contribuer.
- Se limiter à l’essentiel : la tentation est grande de vouloir couvrir tous les sujets, tous les cas de figure, toutes les personae, tous les parcours et d’explorer toutes les idées qui émergeront lors d’un atelier. Le risque est de se perdre dans des détails, de s’éloigner du cœur de la réflexion et surtout, de perdre l’attention des participants. Ainsi, il est bénéfique de limiter la réflexion à des points clefs de l’objet de l’atelier d’idéation, quitte à retravailler certains aspects a posteriori.
- Varier les exercices : les exercices d’idéation en Design Thinking peuvent se montrer répétitifs. En présentiel, les déplacements, les interactions physiques avec les post-its et les tableaux permettent aux participants de rester impliqués. A distance, il est utile de varier les types d’exercices (ex : business canva, carte d’empathie, product box, personae), les types de contribution (ex : coller des post-its, dessiner, réagir oralement, etc.) et les types de réflexion (ex : individuel ou en groupe) pour garder les participants impliqués.
- Résumer les points importants : il est important que les points clefs qui émergent lors des échanges soient résumés en fin d’exercice. En plus d’apporter de la structure, cela permet d’aérer l’ensemble du déroulé de l’atelier et donne aux participants l’occasion de souffler.
- Faire un break : les ateliers peuvent être longs, notamment à distance : prévoir un break ou une pause-café pour alléger la séance !
Engager
A distance la motivation et l’engagement des participants peuvent drastiquement diminuer. Pour que l’atelier soit un succès il est nécessaire d’impliquer le plus possible tous les participants tout au long de l’atelier.
- Commencer avec un icebreaker : les premières prises de paroles sont toujours difficiles à initier lors d’un atelier à distance. Un ice breaker en début d’atelier permet de lancer les participants et d’encourager les contributions de tous (ex : se présenter, parler d’une passion, faire un jeu)
- Bien choisir ses outils en ligne : deux sortes d’outils sont nécessaires au bon déroulement d’un atelier : un système de communication par visio conférence et un espace de collaboration en ligne. Pour garantir la participation de tous, il est important de s’assurer que les participants les maitrisent. Pour la visio, privilégier un outil permettant d’afficher la caméra de tous les participants et de partager votre écran en même temps. Pour la collaboration choisir un outil simple, avec le moins de prérequis d’installation et d’inscription possible.
- Impliquer tout le monde : à distance, les participants peuvent vite se mettre en retrait. Or la valeur d’un atelier d’idéation se trouve dans la multiplicité des points de vue, la diversité des participants et de leurs contributions. Ne pas hésiter à faire usage du chat privé pour vérifier que chaque partie prenante est à l’aise avec l’exercice. Prendre le temps de demander à chacun son avis. Cela peut prendre la forme d’un vote. Il est également possible de tirer parti des moments de restitutions individuelles pour récolter l’opinion de tous.
- Allumer la caméra : la principale cause du manque d’implication lors d’un atelier à distance est l’absence de contact visuel. En tant qu’animateur, allumer sa caméra permet de mieux capter l’attention des participants. Si les participants activent leur caméra cela permet à l’animateur de détecter les signes de désengagement.
- Animer à deux : il peut être fatiguant d’animer seul un atelier à distance et de jongler entre la présentation, les relances et la prise de note. Il est recommandé d’animer à plusieurs (au moins 2) et de bien définir les rôles des animateurs pour chaque exercice.
En conclusion, l’organisation d’un atelier d’idéation à distance requiert un travail minutieux d’adaptation pour s’assurer qu’il captive les participants et produise les résultats espérés. En sus des défis habituels d’animation d’un atelier, la distance introduit de nouvelles problématiques : les exercices chronophages, le désengagement des participants, les risques d’interruption ainsi que l’accès et la maîtrise difficile des outils de collaboration en ligne. Des actions simples permettent toutefois d’y palier : préparer et planifier la séance, contextualiser l’atelier et chacune de ses activités, simplifier et aérer les réflexions et les exercices, et, bien sûr, engager tous les participants tout au long de la séance.