Pris dans toute sa diversité, le numérique nous invite à explorer d’une toute autre façon les chemins de la transition écologique en investissant les dimensions sociales et collectives de cette transformation.
Le digital est devenu un levier incontournable de la stratégie de développement économique et social des entreprises. A l’heure où les bouleversements climatiques confrontent l’humanité à des défis inédits, transition numérique et écologique sont très étroitement liées. Transformant nos sociétés et bousculant notre quotidien, elles interrogent la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
De plus en plus d’entreprises s’appuient sur la transition numérique pour développer leur activité à plus grande échelle, fluidifier leurs échanges, optimiser leurs activités tout au long de la chaîne de valeur, faciliter le travail de leurs salariés, répondre aux attentes de leurs clients, fournir des produits et services plus efficients.
Désormais considéré comme un levier stratégique pour ouvrir de nouvelles opportunités économiques et sociales, le numérique est devenu une réalité quotidienne. Mais la multiplication de ses usages laisse présager une forte progression de son impact sur les sociétés et sur l’environnement.
Alors, quels sont les effets réels du numérique sur l’environnement et la société ? Comment le numérique, dans toutes ses dimensions, peut-il permettre de produire, de consommer des produits et des services ou de se déplacer tout en contribuant au développement durable ?
De nouveaux défis environnementaux
Forte des multiples avantages qu’elle procure aux entreprises et à la société (collaboration accrue, innovation, communications facilitées, ouverture des données, facilitation des démarches etc.), la transformation numérique est généralement perçue et vécue de façon positive. Néanmoins, sous l’effet d’une prise de conscience de ses impacts croissants, l’évolution du numérique interroge. Les inquiétudes se focalisent sur son empreinte environnementale et sa faculté à transformer le quotidien des populations ainsi que le contexte de travail des salariés dans les entreprises.
De fait, les technologies numériques consomment des ressources naturelles et de l’énergie tout au long de leur cycle de vie : à toutes les étapes de leur chaine de développement/fabrication/ transport jusqu’à l’utilisateur final et dans leurs usages. Une fois en fin de vie, elles sont sources de déchets polluants. Ces impacts négatifs affectent le bilan carbone de tous les acteurs du numérique, mais également celui des consommateurs et des utilisateurs. Paradoxalement, dans le même temps, ces technologies innovantes peuvent contribuer à alléger l’empreinte d’autres acteurs dans d’autres secteurs d’activités : souvent elles ouvrent l’accès à des pratiques de production plus efficientes qui génèrent des économies d’énergie ou apportent de la flexibilité et de l’efficacité à l’industrie et au secteur tertiaire.
Le numérique ne doit donc pas se réfléchir uniquement en termes de productivité économique mais également en termes d’efficacité environnementale. Considéré comme un outil de développement économique, il doit venir s’intégrer au cœur des stratégies et des modèles d’affaires des entreprises pour devenir un vecteur de la transition écologique.
Des enjeux d’inclusion et de progrès sociaux
La transformation numérique a bouleversé le travail dans l’entreprise, donnant aux employeurs de nouvelles responsabilités notamment dans le contexte de crise sanitaire et de généralisation du télétravail. Elle a fait émerger l’économie des plateformes qui remet en question les métiers de l’économie traditionnelle. Des métiers se transforment, d’autres disparaissent, de nouveaux se créent. Désormais, les compétences numériques des individus et leur capacité à utiliser ces nouveaux outils impactent directement leur employabilité.
Devenu incontournable pour le fonctionnement de l’entreprise et des services publics, le numérique requiert non seulement l'acquisition de nouvelles compétences, mais la transformation du modèle managérial et, par conséquent, de l'organisation du travail comme de celle du service public.
S’il a vocation à créer de la valeur en étant inclusif, le numérique peut donc devenir source d'exclusion. En effet, l'usage et la maîtrise des outils numériques peuvent agir comme des facteurs de sélection et d'inégalité pour l'entrée et/ou le maintien dans l'emploi ou encore pour l’accès aux services publics.
L’innovation numérique au service d’une transition écologique responsable et durable
Néanmoins, les dynamiques collaboratives et sociales de l’innovation numérique apportent déjà la preuve que la transition numérique peut se mettre au service d’une transition écologique responsable et durable.
Le numérique a fait émerger de nouvelles pratiques individuelles et sociales et de nouveaux usages fondés sur des partages et des échanges massifs : on pense notamment à la vitesse à laquelle les réseaux sociaux se sont invités à relayer des causes et des campagnes de mobilisations dans différents pays du monde, ou encore à la place majeure prise par des plateformes de vente en ligne telles qu’Amazon, eBay, Vepee…
Grâce au digital, de nouvelles formes de coordination et d’actions collectives sont devenues possibles.
Les plateformes d’économie collaborative permettent à des millions de personnes de partager ou d’échanger toutes sortes de biens de consommation : son véhicule, son vélo, son logement, ses meubles, ses livres, ses appareils ménagers et numériques… mais aussi du crowdfunding en matière de financement de projets de toutes sortes, ou encore des connaissances dans tous les domaines (enseignement, santé, recherche…). Cette économie collaborative fondée sur une mutualisation des biens, des espaces, des services et des savoirs offre une alternative responsable à la société de consommation. Fondée sur les usages plutôt que sur la possession, elle limite le besoin de production de biens neufs et de déchets comme l’utilisation des ressources naturelles et la consommation d’énergie. Elle favorise ainsi des gains écologiques.
Dans cette économie du partage, les « Data » sont devenues l’une des « matières premières » essentielles aux activités humaines et le support dominant de la production d’informations et de décisions. Elles contribuent au suivi et à la mesure de nombreuses activités, soutiennent la prise de décisions (notamment dans le domaine climatique) ainsi que le débat public, facilitent la modélisation et l’exploration de scénarios futurs, permettent de développer de nouveaux services.
De ce fait, le potentiel de réutilisation des données hors de leur contexte initial de production, est à la base des politiques en matière d’ouverture des données et du développement des big data. Quelques exemples : la mesure de la biodiversité repose largement sur la contribution de milliers d’amateurs à des bases de données. Dans le domaine de l’énergie, la coproduction de données a rendu possible la cartographie des toits les plus propices à la pose de panneaux solaires ; le partage des données de production et de consommation favorise la gestion des réseaux et permet d’identifier – à l’échelle individuelle – les manières de réduire sa consommation.
Mettre le numérique au service de la transition écologique, ce n’est pas seulement promouvoir une smart agriculture, des smart grids ou autres smart cities, prenant généralement appui sur les acteurs existants de leurs secteurs respectifs. C’est utiliser son potentiel disruptif, sa capacité à bousculer les acteurs en place, à transformer les modèles dominants et pas seulement à en optimiser le fonctionnement.
Pris dans toute sa diversité, le numérique nous invite à explorer d’une toute autre façon les chemins de la transition écologique en investissant les dimensions sociales et collectives de cette transformation.