Face à un faible niveau de bancarisation des populations des pays à revenus faibles et intermédiaires, les services de paiement digitaux, tels que le mobile money, offrent l’opportunité d’une numérisation efficace des paiements gouvernementaux
Dans les pays émergents la digitalisation des flux financiers entre les gouvernements et leurs administrés est souvent une des clés de voute de la dématérialisation des services publics et de la transformation numérique des Etats. Elle apporte des solutions aux problématiques liées aux paiements en espèces, permet parfois directement l’accès aux services publics. Si elle offre de multiples bénéfices, sa réussite s’appuie sur des leviers de succès.
Transactions en espèces : des coûts, des risques et des difficultés
Dans les pays émergents, la collecte des taxes, redevances et droits de timbre par les administrations et les entités publiques, comme le versement des allocations, pensions, subsides et bourses aux citoyens bénéficiaires, se font souvent en espèces. Ces transactions en liquide sont sources d’inconvénients pour les collectivités comme pour les administrés :
- La mise en place et la gestion de guichets de paiements génèrent des coûts importants pour les administrations : coûts humains pour l’accueil du public, la gestion des opérations de caisse et le suivi comptable des dépenses ; coûts administratifs de documentation des paiements ; coûts opérationnels de fonctionnement des guichets. En parallèle, les opérations de caisse sont exposées à des risques : erreurs, manque de traçabilité de certaines opérations, difficultés à suivre les encaissements/décaissements ou encore risques sécuritaires.
- Du côté des administrés, les difficultés rencontrées peuvent constituer un frein à l’accès aux services publics. Dans les zones reculées, les administrés doivent parfois effectuer de longs et éventuellement coûteux trajets pour réaliser leurs paiements. Ces déplacements avec des sommes en espèces les exposent à des risques sécuritaires. Le manque de traçabilité des paiements en espèces peut leur nuire ou dégrader leur satisfaction, voire leur confiance, dans les services publics.
La digitalisation des paiements et le mobile money, leviers d’accélération de la transformation numérique des gouvernements
Pour adresser efficacement ces enjeux, des Etats s’engagent dans la digitalisation des services publics. Deux exemples :
- En 2023, le Rwanda avait digitalisé plus de 100 démarches administratives (état civil, enregistrement foncier, paiement d’amendes etc…) via la plateforme IremboGov qui accueille différents outils de paiement digital. A cette même date, la plateforme avait permis de traiter plus de 25 millions de demandes et de collecter plus de 250 millions de dollars de paiements. Le Rwanda souhaite digitaliser 400 démarches administratives supplémentaires.
- Au Sénégal, la digitalisation des paiements et de l’inscription à la Couverture Maladie Universelle a ouvert massivement l’accès à une couverture santé et donné aux proches d’un bénéficiaire la possibilité de payer ses cotisations depuis l’étranger.
Face à un faible niveau de bancarisation des populations des pays à revenus faibles et intermédiaires, les services de paiement digitaux, tels que le mobile money, offrent l’opportunité d’une numérisation efficace des paiements gouvernementaux. Beaucoup d’Etats s’appuient sur cette technologie, adoptée et utilisée à grande échelle dans de nombreux pays, pour digitaliser les paiements administratifs. Ainsi, les citoyens de Côte d’Ivoire peuvent-ils acquitter des frais de scolarité, des amendes, des droits de péage ou encore des factures de fournisseurs d’énergie via le mobile money. En Egypte le service de paiement numérique Fawry permet de régler des frais de scolarité, les frais de délivrance d’un permis de conduire, des amendes, des factures d’eau et d’électricité et d’acheter des titres de transports en commun. Il a grandement facilité l’accès à différents services publics.
La GSMA a recensé 1,2 milliard de comptes mobile money en 2022 dont 500 millions utilisés régulièrement (90 jours)
Fiabilité, efficacité et frugalité des paiements numériques
La digitalisation des paiements publics offre aux administrés et aux entités publiques de nombreux bénéfices opérationnels :
- Elle contribue à accélérer et sécuriser les flux de paiement en évitant le transport, la conservation et la manipulation d’espèces.
- Elle garantit une meilleure traçabilité des paiements via la numérisation et l’archivage des informations relatives au paiement et à l’identité des payeurs. Elle accroît la transparence dans la gestion des finances publiques.
- Elle neutralise un certain nombre de coûts opérationnels en réduisant les opérations liées à la gestion des espèces.
- Elle fait gagner du temps et de l’argent aux administrés en leur offrant la possibilité de réaliser des paiements à distance.
In fine, les gouvernements et les collectivités publiques gagnent en efficacité opérationnelle, réduisent leurs coûts, augmentent les recettes, améliorent la qualité des services publics et modernisent leur image. Tandis que les administrés profitent d’une expérience « utilisateur » améliorée qui renforce la confiance dans les services publics.
Des facteurs clés de succès
Pour réussir la digitalisation de leurs transactions financières les gouvernements devront relever trois défis :
1. Offrir un large choix d’options de paiement et s’appuyer sur l’interopérabilité
Les administrés doivent pouvoir utiliser l’instrument de paiement digital de leur choix ce qui conduit les administrations à proposer un large éventail d’options de paiement. Pour y parvenir, elles s’appuieront sur des plateformes d’interopérabilité ou d’agrégation de paiements. Ces solutions permettent, via un interfaçage unique, d’encaisser ou de décaisser des fonds depuis/vers plusieurs services de paiement sans avoir à établir des partenariats bilatéraux avec chaque acteur opérant ces services.
2. Proposer des parcours de paiement simples et attractifs aux usagers
Pour apporter des bénéfices concrets aux administrés, les parcours de paiement numérique doivent être simples, rassurants et aussi courts que possible. Lorsque les schémas retenus présentent une certaine complexité parce qu’ils s’appuient sur des solutions de paiement diversifiées et sur les systèmes d’information de l’administration, il convient de s’assurer que cette complexité est absorbée et qu’elle n’impacte pas les parcours utilisateurs.
En accompagnant des projets de numérisation des paiements publics, Sofrecom a identifié plusieurs facteurs clés de succès dans la conception d’une expérience administrés optimale, parmi lesquels :
- Un séquencement fluide des étapes de paiement.
- La facilité de navigation des interfaces et leur lisibilité
- La concision et l’intelligibilité des explications données aux administrés sur la façon de réaliser leurs paiements.
- Le recours à des approches centrées utilisateurs et des méthodologies itératives (maquettes basse définition, prototypage, tests utilisateurs) permet d’élaborer des parcours optimaux.
3. L’identification numérique, un enabler fondamental
La problématique de l’identification et de l’authentification en ligne des administrés est au cœur du sujet de digitalisation des paiements. Les administrations doivent pouvoir s’assurer, en amont ou à l’occasion de la transaction, qu’une bourse est versée au bon bénéficiaire et que tel contribuable a bien acquitté son impôt.
Pour cela, les administrations pourront s’appuyer sur une base d’identité nationale numérique, dite fondationnelle, que de plus en plus d’Etats engagés par exemple dans le programme WURI (identification unique pour l’intégration régionale et l’inclusion en Afrique de l’Ouest) mettent en place.
A défaut, elles étudieront la mise en place de bases de données numériques ad hoc pour un service public ou un projet public donnés.
Dans tous les cas, face aux enjeux de protection des données à caractère personnel, elles s’assureront que les données relatives aux opérations de paiement bénéficient de la meilleure protection.
Ainsi, si la digitalisation des paiements publics offre de nombreux bénéfices, il convient pour les collectivités de définir une approche structurée, adressant les enjeux clés de ce type de projet, afin de maximiser les bénéfices envisagés.