Presse

Economie circulaire une opportunité ou un obstacle à la transformation numérique de l’Afrique

mer. 13 nov. 2024

Le numérique est un levier d’innovation pour accélérer la mise en œuvre de l’économie circulaire en particulier la Data et l’IA vont permettre d’analyser et d’améliorer les différents modèles de cycle de vie des produits et de robotiser les chaines industrielles de reconditionnement et de de recyclage.

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont révolutionné la vie de chacun de nous. Nos habitudes de communiquer, d’acheter, de se divertir, de gérer les procédures administratives et les services financiers, de se soigner, d’apprendre et de travailler ont connu une mutation jamais égalée et tout cela a été accéléré par la crise du COVID. Cette transformation numérique a permis l’inclusion et a rendu possible plusieurs services jusque-là inaccessibles pour des millions de personnes en particulier en Afrique. 

Impact et croissance des TIC en Afrique

L’utilisation des TIC en Afrique, qui continuera à augmenter dans les années à venir avec un taux moyen de croissance annuel de plus de 6%, a déjà importé d’importants volumes d’équipements électriques et électroniques pour construire les autoroutes de l’information (réseaux télécoms et informatiques) et donner accès aux services digitaux via différents moyens (ordinateurs, mobiles, tablettes, …etc).

Au fil de la transformation numérique de l’Afrique, elle cumule les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE, D3E ou PEEFV) ne possédant pas de solutions locales efficaces et maitrisées pour les réduire et les traiter. Aujourd’hui à peine 1% des D3E sont traités en Afrique, ces derniers ont une empreinte carbone très élevé et leur traitement par les filières informelles existantes expose ses acteurs à des risques sanitaires graves et l’environnement à une pollution accrue. Par conséquent la gestion locale des D3E représente un véritable défi économique, environnemental et sanitaire.

L’économie circulaire permet de maitriser durablement le cycle de vie des produits. Elle est un levier pour poursuivre d’une part la croissance du numérique et valoriser d’autre part la matière première nécessaire pour la fabrication de nouveaux produits. En effet le reconditionnement des produits (réparation, test, certification, repackaging), quand c’est possible, allonge leur durée de vie et réduit leur cout. Un smartphone reconditionné peut couter 30 à 40% moins cher qu’un smartphone neuf. Quand la réparation n’est plus possible, le produit est alors recyclé (démantèlement des composants et extraction des matières premières) ainsi par exemple à partir d’une dizaine de smartphones recyclés, il est possible d’en extraire 130g d’or et 700g d’argent. 85% d’un smartphone sont recyclables.

L’Afrique manque de capacités en matière de reconditionnement et de traitement des déchets et souffre, dans ce domaine, d’un retard technologique avéré. Dans les faits, une faible proportion des matériaux usagés est effectivement collectée localement et la majeure partie est exportée vers des centres de traitement hors Afrique. En conséquence les opérateurs locaux sont privés d’accès à des équipements de qualité reconditionnés, certifiés, abordables et en adéquation avec leurs besoins.

Principes de l'économie circulaire et opportunités pour l'Afrique

L’économie circulaire est une solution pour poursuivre la transformation numérique du continent de façon durable, c’est un duo gagnant si on sait fournir les conditions de succès de ce changement de paradigme. C’est l’opportunité pour cadrer le marché informel de traitement des D3E, pour créer de nouveaux emplois et pour rendre accessible le numérique à un plus grand nombre durablement en optimisant la matière première, en réduisant les risques sanitaires et en protégeant l’environnement.

Plusieurs initiatives en vue le jour en Afrique dans le domaine de l’économie circulaire :

  • Le projet de création d’une usine de recyclage D3E au Cameroun (Projet WEEECAM) qui a pu remettre des travailleurs du secteur informel dans un environnement de travail légal et sécurisé leur assurant un revenu régulier. Ainsi l’usine emploi une centaine de salariés et traite plus de 2000 tonnes de déchets par an. C’est la première usine de ce type dans toute l’Afrique, certes elle ne suffira pas à répondre au besoin de tout le continent mais c’est un modèle réplicable.
  • La coopération entre l’association Emmaüs, l’opérateur Orange et Morphosis un industriel du recyclage des D3E permet la collecte de mobiles en fin de vie en Côte d’Ivoire, Benin, Burkina et Niger. Les produits collectés sont transférés en France pour qu’ils puissent être recyclés.

Innovations en gestion des déchets

Pour s’inscrire définitivement dans un modèle inclusif et durable, l’Afrique se doit d’accélérer ses actions pour mieux formaliser le marché du traitement des déchets en encadrant la filière informelle, définir l’ensemble des outils règlementaires en faveur d’une économie verte, former dès le plus jeune âgé à une consommation responsable, promouvoir l’innovation, capitaliser sur les expériences réussies dans le monde.

La transformation vers un modèle vertueux et circulaire nécessite des financements importants visant à développer l’industrie du reconditionnement et du traitement des déchets, à l’éducation des jeunes, la sensibilisation des citoyens et la formation pour acquérir les compétences nécessaires. Le PNUD et les bailleurs de fonds les plus connus sont très attentifs à ces projets et sont prêts à les financer, ce sont des sujets prioritaires comme définis lors des accords de Paris.

Et enfin il est évident que le numérique et l’économie circulaire sont alliés et ont besoin l’un de l’autre. Le numérique est un levier d’innovation pour accélérer la mise en œuvre de l’économie circulaire en particulier la Data et l’IA vont permettre d’analyser et d’améliorer les différents modèles de cycle de vie des produits et de robotiser les chaines industrielles de reconditionnement et de de recyclage.  L’économie circulaire va optimiser les ressources et réduire les couts pour la poursuite de la transformation numérique.

Samia Bendali-Amor

Directrice du Département Consulting IT et Services de Sofrecom