La valorisation des sites des opérateurs via des cessions complètes ou partielles à des tiers ou les mises en avant d’actifs par le biais de créations de « TowerCo d’opérateurs » sont des enjeux importants dans le contexte de l’arrivée de la 5G.
Arnaud Comerzan
Depuis les débuts de l’industrie des télécommunications, les opérateurs considèrent leurs infrastructures comme des actifs stratégiques. Cette vision s’est renforcée ces dernières décennies avec le développement du mobile. En effet, la majorité des opérateurs mobiles ont fondé leur marketing sur des arguments réseau : couverture, performance et qualité de service. La possession et l’utilisation exclusive de ces actifs étaient donc jusqu’alors une garantie face à la concurrence. Or ce postulat est en train de changer et les opérateurs commencent à voir dans leurs points hauts, autrement dit leurs sites de déploiement d’antennes, des actifs non stratégiques mais hautement valorisés pouvant devenir des sources nouvelles de revenus.
A l’origine, la concurrence par les infrastructures
Pour ce qui est des routes et autoroutes, du gaz ou de l’électricité, les collectivités ont toujours eu l’habitude d’infrastructures de réseaux en situation de monopole, qu’elles construisent et établissent directement ou par délégation. A contrario pour les communications électroniques, c’est l’Etat central qui a longtemps eu un monopole. De nos jours, le secteur des télécommunications est largement ouvert à la concurrence et deux grands modèles coexistent. D’une part la concurrence sur les infrastructures pour la boucle locale cuivre détenue par l’opérateur historique du pays et d’autre part la concurrence par les infrastructures en ce qui concerne le mobile et la fibre où les opérateurs déploient chacun leur réseau en propre. Cette stratégie de posséder l’ensemble de leurs équipements a été facilitée par le dogme général prôné par les régulateurs européens de « concurrence par les infrastructures ».
Dans le mobile, la location de sites se développe en complément de la propriété
Dans le mobile, les deux éléments essentiels de différenciation d’un réseau sont les fréquences, qui sont attribuées par les régulateurs en contrepartie d’engagement financier et/ou de couverture, et les sites accueillant les antennes des opérateurs. Ces sites peuvent être des pylônes, des toits-terrasses ou d’autres types de supports comme des châteaux d’eau ou des édifices religieux. Pour constituer un réseau mobile deux possibilités s’offrent aux opérateurs : détenir ses pylônes en propre ou louer des emplacements à d’autres opérateurs ou à des sociétés spécialisées, les Tower Companies.
Les investissements dans les TowerCo s’intensifient
Depuis quelques années, des mouvements stratégiques se sont opérés autour de ces Tower Cos. Dans un contexte de taux d’intérêt extrêmement bas, des fonds d’investissements voient dans ces actifs d’infrastructures une opportunité pour se diversifier et obtenir un bon rendement. En effet, les loyers y sont confortables et durables : il est presque certain que les opérateurs et les réseaux du futur auront durablement besoin de points hauts permettant de positionner leurs antennes. Dans le même temps les opérateurs font face au « mur d’investissement » que représente le déploiement parallèle de la fibre et de la 5G et cherchent par tous les moyens à obtenir les financements nécessaires à ces investissements.
Ces enjeux d’investissement favorisent notamment l’émergence de « super TowerCos » à l’échelle des continents. En Europe c’est Cellnex qui rachète de nombreux sites d’opérateurs à des valorisations très élevées (environ 300k€ par site). Il est ainsi passé de 7 000 sites en 2014 à près de 54 000 fin 2019. La valorisation de Cellnex de 14 Md€ à la fin de l’année 2019 s’approche de la moitié de la valeur marchande d’opérateurs d’envergure comme Orange, Telefonica ou Vodafone. Cette situation reflète la confiance des investisseurs dans la pérennité de la rentabilité des TowerCos versus celle des opérateurs.
C’est dans ce contexte que les premiers mouvements d’actifs de sites mobiles ont eu lieu d’abord aux Etats-Unis avec AT&T et Verizon.
La valorisation des sites des opérateurs via des cessions complètes ou partielles à des tiers ou les mises en avant d’actifs par le biais de créations de « TowerCo d’opérateurs » sont des enjeux importants dans le contexte de l’arrivée de la 5G. De telles opérations permettent aux opérateurs d’améliorer leurs bilans et d’alléger leur dette, ce qui leur facilite le financement de la 5G. In fine, l’objectif des TowerCos ou des opérateurs est d’augmenter le nombre de locataires par site pour améliorer le taux de rentabilité des actifs. L’arrivée de la 5G promet une augmentation importante du nombre de sites mais rend probable le développement d’accords de mutualisation active souvent souhaités par les régulateurs avec un impact négatif sur le nombre de locataires par site.