Bien qu’étant considéré comme un fort relai de croissance pour les opérateurs les enjeux de rentabilité intrinsèque à ce marché, la forte concurrence et la pandémie mondiale rendent la tâche plus dure aux opérateurs.
Clément Eberhardt, Consultant Wholesale
Alors que les marchés legacy (cuivre, mobile) stagnent ou décroissent, les opérateurs télécoms cherchent de nouveaux relais de croissances. Selon la GSMA fin 2021, dans le monde, il y avait 5,3Mds de forfaits mobiles et elle estimait que ce nombre devrait tendre vers 5,7Mds d’ici 2025.
En parallèle, d’ici 2031, Analysis Mason estime à 7Mds le nombre de connexion IoT d’ici 2031 (CAGR : 15%). Cette croissance est également portée par l’automobile avec un CAGR de 16% de 2020 à 2031 comparé au CAGR de 9% du marché global.
Jusqu’alors porté par le marché du grand public (smart homes), l’IoT est encore loin de son plein potentiel. Tandis que les marchés de l’Industrie et de l’Automobile semblent être les nouveaux marchés à forts potentiels ; d’autres n’en sont encore qu’aux prémices (santé connectée, transports automatisés, smart city, agriculture etc.)
Toutefois, alors que la concurrence est rude pour les opérateurs telco, les opportunités de voir l’IoT comme un des relais de croissance s’accroissent et d’autres acteurs pourraient bien tirer leur épingle du jeu. Toutefois l’IoT implique un niveau de rentabilité plus faible au regard des faibles usages data et une nécessité de commercialiser de plus grands volumes dans un marché très concurrentiel.
Ainsi, le marché des télécoms étant très vaste, il s’agira ici d’étudier la fourniture de services de connectivité en mode wholesale aux intermédiaires.
Un écosystème en pleine mutation
L’industrie des télécoms n’a pas fait exception, la pandémie de COVID a eu un impact sur les marchés, notamment l’IoT avec la pénurie des semi-conducteurs impactant les déploiements. Les acteurs ont été contraints de revoir leurs plans de déploiement et de retarder certains investissements. Certaines prévisions du marché ont donc été revues à la baisse. Alors, cette multitude d’acteur cumulée représente une part non négligeable des volumes adressables. Il est à noter que si la totalité des volumes que représente la somme de ces acteurs est intéressante, il faut pour les opérateurs également additionner les coûts de fonctionnement, ce qui dans de nombreux cas n’est pas rentable pour les plus gros opérateurs. Il existe alors une multitude d’acteurs intermédiaires qui se positionnent entre les leaders du marché et les outsiders pour offrir une plus grande flexibilité. Ainsi, avec la pandémie de COVID, ces petits acteurs ont dû se recentrer sur leurs enjeux les plus stratégiques, à cela il faut ajouter les pénuries de composants électroniques ayant ralenti les volumes de terminaux en circulation. Les Organismes internationaux (GSMA) ainsi que les experts du secteur ont alors revu leurs estimations.
Sur le marché Wholesale, de nombreux acteurs sont aujourd’hui incontournables tels que : Vodafone, 1NCE (filiale Deutsche Telekom), Orange, BICS etc. Par ailleurs, d’autres grands opérateurs internationaux tentent depuis plusieurs années de se positionner dans l’IoT, comme l’a fait NTT Communications Corporation en 2019 avec l’acquisition de Transatel et également Telus avec l’investissement de 17.35 millions d’euros dans Eseye en 2021.
Ces acteurs adressent le marché avec des offres similaires où le périmètre d’adressage et le prix sont clés. Ils s’appuient sur leurs technologies de réseau cellulaires, comme la 2G/3G/4G LTE (CAT 1, CAT M etc.), la 5G NSA désormais et LTE-M et NB-IoT (qui constituent les deux technologies LPWA (Low Power Wide Area) conçues pour l’IoT. Du point de vue des structures, les clients opérateurs des wholesalers peuvent être aussi bien des MNOs que des MVNOs utilisant les accords de roaming internationaux pour adresser d’autres marchés qui leur sont inaccessibles ou peu rentables ; la plupart utilisent des offres de Roaming Sponsor. On peut également citer LoRaWan® comme une technologie télécom à part entière même si cette dernière fonctionne bien via une communication radio LoRa permettant de créer une maille de réseau étendu sur des fréquences libres pour des usages très peu consommateurs. Toutefois cette dernière n’est pas un concurrent direct aux solutions IoT des opérateurs pour des raisons de sécurité des solutions cellulaires ou encore les débits plus importants nécessaires à certains cas d’usages IoT. Enfin, le satellite lui aussi peut être une alternative afin d’adresser des terminaux IoT dans des cas d’usages spécifiques (dans les zones extérieures sans couvertures, et dans des besoins sans une faible latence), ce qui en fait un marché de niche.
Historiquement, les opérateurs ont dû faire face à la banalisation des services de connectivité mobile, ce qui a eu tendance à gommer les marqueurs de différenciation. Les services devenant très similaires entre les opérateurs, la concurrence s’est jusque-là faite sur les prix entrainant une baisse des ARPU mobiles. Toutefois dans l’IoT, ces derniers étant déjà faibles, ce schéma entraînera des conséquences sur les revenus rendant cette concurrence par les volumes encore plus féroce. Pour les opérateurs, il s’agit de maintenir la rentabilité des offres IoT qui par les faibles trafics ne sera jamais aussi rémunérateur que les forfaits du marché grand public.
Dorénavant, d’autres acteurs se lancent dans le marché de l’IoT sans utiliser des licences télécoms. Ces terminaux IoT non cellulaire représenteraient la plus grosse part de la croissance future du marché. A termes, la grande majorité du marché devrait être portée par ces terminaux fonctionnant à courte distance et sans licence. Cette concurrence indirecte (souvent bon marché) faite aux opérateurs, aura des impacts réels sur les revenus adressables soit les 900Mds$ en 2025 estimés par la GSMA.
Défis actuels
Les opérateurs sont en outre déjà impactés par ces nouveaux défis du marché dont va dépendre leur future attractivité.
Par le fait de cette concurrence, les opérateurs sont contraints de se concurrencer par la qualité de service, ainsi que les prix. En l’état, lorsqu’un terminal est en activité, et que sa carte SIM se connecte au réseau, l’opérateur cherche alors à facturer au plus juste l’usage. Toutefois, là où sur le marché retail en France, les AUPU s’approchent des 13,4Go[1] par mois et par utilisateur (au deuxième trimestre 2022 par l’ARCEP), les AUPU IoT sont bien plus faibles (de l’ordre de quelques Octets à quelques dizaines de Mo en moyenne). La plupart du temps, le client MVNO paiera un tarif à l’unité de trafic consommé, mais les opérateurs, pour s’assurer un seuil de rentabilité appliquent souvent des frais mensuels à chaque activation de la SIM. Certains acteurs ont également un modèle de minimum de facturation, mais qui trop complexe, ne fait pas consensus sur le marché.
Lorsque le provider applique des frais mensuels, le tarif est appliqué par défaut à toutes les lignes/le parc qui s’activent et trafiquent sur le réseau. Ainsi, peu importe la consommation, car sa facturation viendra en sus du seuil de rentabilité minimal défini au contrat.
Le minimum de facturation peut s’appliquer sur une ligne et/ou sur une flotte, il est fixé par les termes du contrat et à chaque connexion, il s’applique en complément des frais associés à la consommation réelle de la ligne. De ce fait, si la ligne ou la flotte consomme moins, un complément est appliqué jusqu’au seuil défini, si elle consomme plus, seul le trafic sera facturé. Toutefois ce dernier n’est pas le modèle le plus répandu du fait de la complexité du modèle de facturation.
Conclusion
Bien qu’étant considéré comme un fort relai de croissance pour les opérateurs les enjeux de rentabilité intrinsèque à ce marché, la forte concurrence et la pandémie mondiale rendent la tâche plus dure aux opérateurs.
Ainsi, les Wholesalers ont bien compris la nécessité d’être présents sur le marché autant par les offres que par les services et les technologies. Par ailleurs certains de leurs clients MVNOs se focalisent eux-mêmes sur ce marché, tout comme l’ont fait Transatel ou Cubic Telecom dans son partenariat avec Audi[2].
Alors que le marché tend à croître rapidement, et que la question de la rentabilité est critique pour certains fournisseurs, ce sont bien les enjeux technologiques futurs qui désigneront le leader de demain, mais il s’agit là d’une autre histoire …
1https://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/observatoire/2-2022/obs-marches-T2-2022_oct2022.pdf
2https://www.cubictelecom.com/case-study/audi-is-now-generating-intelligent-insights-with-the-help-of-cubic-telecom/
Glossaire
IoT : Internet des Objets
5G NSA : La majorité des premiers déploiements des réseaux 5G sont des déploiements en mode non standalone ou NSA. Ils se concentrent sur le haut débit mobile amélioré. L’objectif est de fournir une bande passante de données plus élevée et une connectivité plus fiable. Plus concrètement, cela signifie que les réseaux 5G s’appuient sur l’infrastructure 4G existante afin de bénéficier de la couverture des bandes basses 4G, ainsi que de la connexion vers un réseau cœur 4G évolué, auquel on y ajoute les fonctionnalités nécessaires à la prise en compte du nouveau standard 5G. C’est l’option qui a rendu le déploiement et la commercialisation de la 5G possible dès 2019.
https://www.ericsson.com/fr/blog/3/2022/5/5g-sa-et-5g-nsa-quelles-differences-
5G SA : La 5G en mode standalone ou SA, est une 5G qui fonctionne « toute seule » sans s’appuyer sur l’infrastructure 4G existante. C’est donc l’option définitive et de long terme pour la 5G.
MNO : Un opérateur de réseau mobile, abrégé en MNO et parfois également appelé fournisseur de services d'opérateur, opérateur de téléphonie mobile ou opérateur de réseau mobile, est une organisation de fournisseur de services de télécommunications qui fournit des communications voix et données sans fil à ses utilisateurs mobiles abonnés.
https://cros-legacy.ec.europa.eu/content/Glossary%3AMobile_network_operator_%28MNO%29_en
MVNO : Les MVNO (Mobile Virtual Network Operators) sont des opérateurs qui ne disposent pas de leur propre réseau radio et qui, pour offrir des services de communications mobiles à leurs abonnés s’appuient sur les services d’un ou plusieurs opérateurs de réseau mobile (au nombre de quatre à ce jour : Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR) en leur achetant des communications en gros. Bien qu'ils ne disposent pas d'un réseau radio en propre, les MVNO sont des opérateurs à part entière, qui maîtrisent la conception et le lancement de leurs offres commerciales et sont pleinement responsables de la fourniture des services de communications mobiles à leurs clients.
https://www.arcep.fr/professionnels/operateurs-des-telecommunications/liste-des-mvno.html
ARPU : pour Average Revenue Per User, est un acronyme utilisé pour désigner le chiffre d’affaires mensuel moyen réalisé par une entreprise avec un utilisateur/client. À l’origine, l’ARPU a été mis en place par les entreprises spécialisées dans les télécommunications. Celles-ci cherchaient alors à identifier le revenu (ou chiffre d’affaires) moyen généré par un abonné unique sur une année. Aujourd’hui, l’ARPU est utilisé dans de nombreux domaines pour apporter des informations précises sur le chiffre d’affaires d’une entreprise. On le retrouve notamment dans le secteur des services en ligne et dans celui des applications mobiles. À noter qu’il n’existe aucune définition légale des périmètres de l’ARPU. Ces derniers sont donc variables d’une société à une autre.
https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-du-marketing/1207665-arpu-average-revenue-per-user-definition-traduction-et-synonymes/
AUPU : pour Average Usage per User, représente la consommation moyenne d’une unité (voix, sms, data etc.) selon la même base de calcul que l’ARPU.
Compound annual growth rate (CAGR) : Taux de croissance annuel composé
Slicing : Le network slicing consiste à découper le réseau en plusieurs sous-réseaux, que l’on appelle des tranches, ou “slices” en anglais. Chaque tranche fonctionne de façon indépendante, bien qu’elles soient déployées sur une même infrastructure physique.
https://reseaux.orange.fr/actualites/5g-network-slicing
NB IoT : Plus communément appelé NB-IoT, le Narrowband IoT désigne un standard de communication normalisé en 2016 et dédié à l’Internet des objets. Il s’agit plus concrètement d’un standard de communication LPWAN (Low Power Wide Area Network – réseau basse consommation longue portée, en français) dont la principale mission consiste à faciliter la communication d’importants volumes de données sur une très grande distance. D’un point de vue plus technique, le NB-IoT fonctionne sur l’ancien réseau GSM (bande de fréquence de 200 kHz), avec le réseau LTE ou bien au sein d’un réseau indépendant. Il permet d'avoir des débits de 20 à 250Kbit/s en download ou upload avec une latence inférieure à 10 secondes environ.
https://www.journaldunet.fr/web-tech/dictionnaire-de-l-iot/1489515-nb-iot-qu-est-ce-que-le-reseau-bas-debit-utilise-dans-la-5g/
LTE-M : Le LTE-M (LTE-Machine) est un réseau cellulaire dédié à l’IoT dont la technologie a été normalisée par le 3GPP. Il existe une importante différence entre le LTE et le LTE-M. Ce dernier est une évolution de la technologie LTE, optimisant l’usage des fréquences radios. Le LTE-M fait partie des réseaux LPWAN (Low Power Wide Area Networks). Ainsi, ces technologies proposent aux fabricants d’objets connectés de communiquer des données sur de longues distances avec une basse consommation d’énergie. Le LTE-M couvre de nombreux cas d'usages avec un haut débit et un grand nombre de données. C’est très important pour de multiples solutions de l’IoT (l’Internet d’Objets). https://iotjourney.orange.com/fr-FR/support/faq/qu%27est-ce-que-le-lte-m
LoRaWan© : Le terme LoRaWAN® signifie Long Range Wide Area Network ou réseau étendu à longue portée. Il s’agit d’un protocole radio de télécommunication qui permet la transmission de petits paquets de données en bas débit, particulièrement adapté aux objets connectés.
https://iotjourney.orange.com/fr-FR/connectivite/tout-savoir-sur-la-connectivite-lora
SDN : Le software-defined networking (SDN) est une approche du réseau qui s’appuie sur des contrôleurs logiciels ou des API pour diriger le trafic sur le réseau et communiquer avec l’infrastructure matérielle sous-jacente.
https://www.vmware.com/fr/topics/glossary/content/software-defined-networking.html
NFV : La virtualisation des fonctions réseau (NFV) permet de virtualiser les services réseau (routeurs, pare-feu, modules d'équilibrage de charge, etc.) traditionnellement exécutés sur du matériel propriétaire
https://www.redhat.com/fr/topics/virtualization/what-is-nfv
Roaming sponsor : L’offre Roaming Sponsor permet, en tant qu’Opérateur (MNO ou Full MVNO) possédant un cœur de réseau, de bénéficier de la couverture roaming internationale d’un autre opérateur.
https://wholesalefrance.orange.fr/fr/nos-solutions/mobile/mobile/roaming-sponsor/