La diversification des activités devrait à long terme permettre de pérenniser leur activité, augmenter leur rentabilité et renforcer leurs positions dans un secteur toujours plus concurrentiel.
Ludovic VARGA
La diversification des activités est au cœur des stratégies des opérateurs télécoms depuis plusieurs années. Le marché de la connectivité stagne. La croissance des volumes de données échangées peine à compenser la décroissance de la valeur du kilo octet. Les opérateurs cherchent donc d’autres relais de croissance pour pérenniser leurs activités. Ils n’hésitent d’ailleurs plus à s’éloigner de leur cœur métier pour adresser les nouveaux besoins de leurs clients.
A l’aube de l’avènement de la 5G, on pourrait légitimement penser que les opérateurs orientent l’ensemble de leur stratégie, au moins à moyen terme, vers cette technologie. En effet, elle promet tout à la fois une meilleure connectivité, un moyen de lutte contre les déserts numériques et de fait l’accroissement des usages, tout en ouvrant la voie à d’innombrables nouveaux cas d’usage. Pour autant, dans le même élan d’investissements, on constate que la plupart des acteurs majeurs du secteur semblent vouloir diversifier leurs activités dans des services plus ou moins éloignés de leur cœur métier.
En cause, la stagnation du marché de la connectivité
Depuis quelques années, les opérateurs constatent un phénomène de ralentissement sur le marché de la connectivité, mobile comme fixe. La fibre comme les nouvelles générations de connectivité mobile ont permis de faire évoluer les usages et d’améliorer la qualité de service des opérateurs. Cependant, ils n’ont pas pour autant faire croître de manière symétrique la taille du marché retail.
La valeur de la connectivité a longtemps été captée par d’autres acteurs du numérique (GAFA ou créateurs de contenus). Aujourd’hui, les opérateurs télécoms cherchent à rester pertinents et augmenter leur valeur ajoutée. Ils ne veulent pas être relégués à un simple rôle de valorisation de l’infrastructure dans un contexte de marché tendu.
Ainsi, en dépit de l’arrivée de la 5G, l’ARPU mobile moyen devrait continuer baisser de près de 3,5% par an d’ici à 2023 au niveau mondial [1]. La croissance des revenus, espérée dans la quasi-totalité des régions du globe, ne devrait être générée que par un accroissement du nombre de SIMs.
Stratégies de diversification
Les atouts des opérateurs pour pérenniser leurs activités
Le métier d’infrastructure des opérateurs de télécommunications leur permet de bénéficier d’une large capacité d’investissements. Par ailleurs, ces derniers disposent le plus souvent d’atouts majeurs : base clients large, réseau de distribution étoffé, maîtrise de l’accès à l’internet. Ces avantages concurrentiels leur permettent de répondre naturellement aux nouveaux besoins de leurs clients et ainsi pérenniser leurs activités.
« La raison d’être d’une entreprise est de créer et de garder un client »Théodore Levitt
Des diversifications parfois très éloignées du métier d’opérateur télécoms
Ainsi Verizon fait de Oath, rebaptisé à l’occasion Verizon Media, un des trois piliers de sa croissance. Telefonica mise sur les services TV, OTT et sur sa plateforme de transformation digitale. NTT annonce vouloir devenir un acteur majeur de la transformation digitale en promouvant les plateformes B2B2X et en proposant des services personnalisés. Quant à Deutsche Telekom, l’opérateur convertit son infrastructure de téléphonie fixe en bornes de recharge de véhicules électriques. Les exemples de diversification stratégique plus ou moins éloignées du cœur métier sont aujourd’hui légions.
Encore plus frappant, Orange souhaite continuer sa transformation en opérateur multi-services. L’opérateur brise les frontières des télécommunications en proposant des services financiers mobiles, des assurances ou encore de l’énergie, notamment en Afrique. Orange s’adresse ainsi à de nouveaux clients sur un continent encore peu bancarisé et où l’accès à l’énergie reste un défi à relever.
La sécurité et les contenus : deux axes prioritaires de diversification
Toutefois, au-delà de leurs expansions géographiques, les opérateurs cherchent à se diversifier verticalement autour de services très liés au réseau. On observe ainsi que les opérateurs télécoms retailers lorgnent depuis leurs début sur deux axes de diversification connexes à leur cœur de métier :
- la sécurisation des réseaux
- ou la production et la diffusion de contenus.
La cyber-sécurité : une croissance de près de 11% par an
Si la filiale cyber-sécurité de Deutsche Telekom vient de fêter ses 20 ans, le phénomène s’est accru depuis quelques années. La cyber-sécurité est devenue un pilier stratégique de développement pour la plupart des grands acteurs du monde des télécommunications. Le marché devrait d’ailleurs croître de près de 11% par an pour atteindre entre 180 et 250 milliards de dollars dans le monde à horizon 2025 [2].
Quant à Orange, sa filiale Cyberdéfense nourrit de grandes ambitions. Elle a conclu l’an dernier l’acquisition de SecureLink, après avoir déjà bouclé celle de SecureData. Ces opérations visent à intégrer le podium européen du marché de la Cyberdéfense.
La production de contenus : le serpent de mer de la diversification des opérateurs
Pour ce qui est de la production de contenus, le phénomène a tellement pris d’ampleur que le président de l’ARCEP a déclaré au Financial Times à propos des opérateurs télécom : « je préfèrerais les entendre clarifier leur promesse d’investissement dans la fibre, la 4G et la 5G plutôt que ce genre de discussion permanente autour des contenus ».
Ainsi, en France, les trois opérateurs majeurs disposent de moyens de productions ou de promotions de contenus. Orange a ainsi investi depuis 2007 avec Canal+ dans le bouquet TV OCS. Altice, maison mère de SFR, détient NextRadioTV (qui comprend BFM, notamment) ainsi que RMC Sport. Quant à Bouygues Télécom, sa maison mère est l’actionnaire principal du groupe TF1.
Si les marchés nord-américains semblent apaisés depuis la série de rachats dans le secteur (Time Warner par AT&T et Sky par Comcast), dans le reste du monde, et particulièrement en Europe, on peut s’attendre à ce que les opérateurs télécoms ne se contentent plus de partenariats avec les producteurs de contenus et passent enfin à l’offensive.
A quelque chose malheur est bon…
En conclusion, nous pourrions dire que les opérateurs ont bien su tirer avantage de la baisse du marché de la connectivité. La diversification des activités devrait à long terme permettre de pérenniser leur activité, augmenter leur rentabilité et renforcer leurs positions dans un secteur toujours plus concurrentiel.
Sources:
[1] OVUM, Market Watch 2019
[2] Statista, Size of the cybersecurity market worldwide / Grand view research, Cyber Security Market Size, Share & Trends Analysis Report By Component, By Security Type, By Solution, By Service, By Deployment, By Organization, By Application, And Segment Forecasts, 2019 – 2025