Dans un contexte d’accélération de la transformation numérique de l’économie et de croissance des usages, l’impact environnemental du numérique fait l’objet d’une prise de conscience sociétale forte qui appelle des réponses politiques.
La législation française engage les collectivités territoriales à mettre en œuvre une stratégie numérique responsable d’ici 2025. Tout en apportant des réponses aux défis de la transition écologique des territoires, le numérique responsable peut accélérer la transformation durable du secteur public. Orange Consulting accompagne les collectivités dans cette trajectoire.
Jusqu’en 2022 la RSE occupait peu de place dans l’élaboration des stratégies de transformation numérique des collectivités territoriales françaises. Les réflexions se concentraient sur la technologie et l’expérience usagers. L’évaluation des projets d’investissements numériques de l’administration portait sur trois critères : l’amélioration du service rendu aux usagers, l’alignement du projet avec le cadre stratégique de l’Etat et la rentabilité économique. Désormais, toutes les collectivités de plus de 50 000 habitants sont invitées à mettre le numérique responsable au cœur de leurs projets de digitalisation, dès la phase de cadrage et jusque dans les indicateurs de suivi.
Une prise de conscience écologique croissante
Deux raisons majeures motivent cette évolution :
- Dans un contexte d’accélération de la transformation numérique de l’économie et de croissance des usages, l’impact environnemental du numérique fait l’objet d’une prise de conscience sociétale forte qui appelle des réponses politiques.
- Pour faire converger la transition numérique et la transition écologique, le gouvernement français a promulgué la loi REEN visant à décarboner et à réduire les consommations énergétiques des territoires. Il attend des acteurs publics qu’ils agissent pour un numérique plus sobre et réfléchi en déroulant une feuille de route stratégie numérique responsable.
Que dit la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique) ?
La loi REEN du 15 novembre 2021 s’adresse à tous les acteurs de la chaîne de valeur du numérique en France : professionnels du secteur, acteurs publics et consommateurs.
Elle prévoit que toutes les EPCI de plus de 50 000 habitants aient défini, avant le 1er janvier 2025, une feuille de route stratégie numérique responsable dont le contenu et les modalités d’élaboration sont précisées dans un décret du 29 juillet 2022.
La loi REEN s’articule autour de quatre objectifs :
- Eveiller les consciences sur l’impact environnemental du numérique.
- Réduire le renouvellement des appareils numériques : allonger leur durée de vie, favoriser le réemploi et la réutilisation, mettre des objectifs d’économie circulaire.
- Favoriser l’adoption d’usages numériques écoresponsables.
- Promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores, mutualiser les infrastructures.
Des difficultés d’appropriation du sujet par les collectivités
Si la prise de conscience écologique est là, les collectivités locales se sont, jusqu’à présent, assez peu saisies du sujet. C’est un des enseignements de l’étude qu’Orange Consulting a réalisé, en 2022, en partenariat avec l’IFOP pour Acteurs publics Solutions. Les freins sont divers : manque de disponibilité du fait d’engagements sur d’autres priorités (sécurité de l’énergie et de l’eau, sécurité des personnes, souveraineté alimentaire, souverainement de la data…) ; manque de maturité en raison d’un faible leadership, au sein du secteur public, sur les enjeux carbone, transition énergie climat ; manque de compétences nécessaires pour traiter des sujets d’évaluation carbone.
Le numérique responsable n’est pas encore prioritaire, notamment pour les élus. En revanche, et c’est la révélation de l’étude, deux sujets émergent au sein des collectivités :
- La question de l'inclusion : comment éviter de creuser un peu plus l’écart numérique au regard d’enjeux de démocratie, de concertation citoyenne, d’insertion professionnelle ?
- La question de l’éthique des outils numériques, basés sur de l’IA et de la data, que les collectivités déploient sur le territoire.
Face à cette multiplicité de problématiques (carbone, énergie, transition, data et d’IA), les collectivités se sentent souvent désarmées.
Une conduite de changement nécessaire pour opérationnaliser un numérique responsable
Pour s’emparer du numérique responsable, cadrer et sécuriser leurs projets de réduction du poids environnemental de leur matériel (IT, data centers, informatique, flottes de mobiles…) et établir une feuille de route claire, les élus et les DSI ont besoin d’être guidés dans leurs arbitrages par des experts.
Deux axes d’accompagnement ont une valeur particulièrement stratégique :
- La formation des acheteurs à la mise en œuvre d’achats responsables. En effet, 80% de l'empreinte carbone du numérique est lié à la fabrication des équipements. Les acheteurs doivent intégrer d’autres critères que l’unique variable du prix, monter en compétences sur les différents labels écoresponsables et entamer avec leurs fournisseurs un nouveau dialogue de partenaire à partenaire. Pour faire des choix efficients, ils devront prendre en considération l’ensemble du cycle de vie des équipements et contribuer de plus en plus activement à la circularité de ces équipements pour allonger leur durée de vie. Orange s’est engagé dans cette voie, depuis plusieurs années, à travers avec son programme d’économie circulaire OSCAR qui favorise la réutilisation, au sein du groupe, d’équipements réseaux reconditionnés et permet de limiter la production de nouveaux équipements. La circularité est un enjeu particulièrement fort pour les acteurs publics parce que les équipements qu’ils achètent sont notamment mis à disposition des scolaires qui doivent pouvoir bénéficier de terminaux opérationnels.
- La sensibilisation et l’acculturation de toutes les parties prenantes. De très nombreux publics (les agents, les écoles, les associations, le tissu économique local, les citoyens…) sont directement concernés par les grands chantiers du numérique responsable pour deux raisons : derrière chaque PC et chaque terminal, il y a un être humain ; les usages de chacun de ces individus sont déterminants dans l’atteinte des objectifs de décarbonation du territoire parce que 55% de la consommation énergétique du numérique provient de l’usage. Le numérique deviendra vraiment responsable lorsque les individus seront responsables vis-à-vis de leurs équipements. Un des grands enjeux des collectivités est donc d’accompagner le changement de mentalité, de faire adopter de nouvelles pratiques et de nouveaux réflexes. C’est un très long travail de sensibilisation et d’acculturation.
Utiliser le numérique responsable comme levier de la transition écologique du territoire
L’analyse des Plans Climat Air Energie Territoriaux (PCAET) révèle la faible prise en compte du numérique pour conduire, ou, a minima, monitorer les projets stratégiques du territoire. A titre d’exemple, une analyse du PCAET de 300 pages d’une collectivité n’a révélé que 27 occurrences de mots relatifs au digital ! A l'heure où le numérique responsable va préfigurer l'avènement de territoires intelligents, à l’heure où il va favoriser la mise en œuvre de nouvelles capacités de monitoring fin de ressources qui se raréfient (l'eau, l'énergie) et, demain, des enjeux de biodiversité, cet « angle mort » reste à investiguer pour faire du numérique responsable un numérique qui rendra les collectivités encore plus responsables.
D’ici 4 ou 5 ans la question du numérique responsable débordera les frontières de la France et de l’Europe. Comme il est plus facile d’embarquer des exigences d’usages numériques responsables et d’allongement de la durée de vie des équipements dans des environnements numériques peu matures, le numérique responsable pourrait devenir une vraie opportunité pour les pays de la zone MEA de penser d’autres modèles de développement durables que ceux de l’Europe.
Marion Michot, Manager, Secteur Public, Orange Consulting
Livia Barnouin, Consultante Senior, CSR & Transformation digitale, Orange Consulting
David Kernanec, Senior Manager, Smart Cities, Orange Consulting