Point de vue

Le rôle des gouvernements pour faire des services financiers mobiles un facteur d'inclusion financière

jeu. 06 févr. 2020

Les télécommunications ont pris une importance significative dans l’économie de la plupart des pays. En cela, ce secteur est une source indéniable de croissance économique et de développement. Les avantages du digital profitent également au secteur de la microfinance et contribuent à favoriser sa double mission financière et sociale. Veiller à la mise en place de cadres réglementaires plus favorables, permet au secteur de continuer à se développer. Il s’agit de toucher plus de clients dans des zones éloignées à un moindre coût, de sécuriser les transactions et d’améliorer leur transparence.

Le secteur des services financiers mobiles (SFM) continue à se développer. L’accès à ces services facilite le quotidien et aide les ménages et les entreprises à anticiper le financement d’objectifs à long terme ou à faire face à des imprévus. Pour accroître l’accès et le recours du plus grand nombre à ces produits, gouvernements et régulateurs doivent agir sur plusieurs leviers :

Promouvoir et accompagner la diversité des modes de distribution

On sait depuis longtemps que le fait de se cantonner aux agences bancaires traditionnelles est l’un des principaux obstacles à l’inclusion financière. Le manque d’infrastructures dans les zones rurales complique la gestion des agents et la distribution des espèces. L’exploitation de partenariats locaux, un financement flexible des agents et une meilleure utilisation des données transactionnelles permettent aux prestataires de relever ces défis.

Pour toucher plus de clients dans des zones éloignées à un moindre coût, il est indispensable de se doter d’un cadre juridique et réglementaire qui autorise différents types d’établissements et qui applique des règles et un contrôle adaptés au niveau de risque de tous les acteurs. Cette diversité doit s’accompagner de politiques qui favorisent un environnement concurrentiel et équitable pour tous les prestataires.

Dans bien des pays, on constate que des approches réglementaires autorisent des modes de distribution atypiques, tels que des magasins de vente au détail locaux servant d’intermédiaires financiers, ou l’installation de prestataires innovants qui exploitent les divers moyens à leur disposition : technologie, réseaux de clients existants, infrastructure, big data.... Ces modes de distribution contribuent à baisser le coût des transactions et à fournir des produits financiers parfaitement adaptés aux besoins des consommateurs à faible revenu. Elles permettent de renforcer à moindre coût l’implantation matérielle de prestataires financiers et d’apporter des services essentiels à ceux qui n’ont pas accès.

Définir un cadre réglementaire équitable et souple

Sur de nombreux marchés, l’absence d’un agrément habilitant ou d’un cadre d’autorisation permettant aux prestataires non bancaires d’accéder au marché de l’argent mobile reste la barrière la plus importante et la plus courante au lancement ou au développement de services financiers par les prestataires.

Il est essentiel que ces règles soient équitables et simples. En effet, l’expérience montre que les barrières réglementaires peuvent ralentir à la fois la naissance du marché et l’adoption par les clients. Selon le rapport Global Findex 2017 sur l’inclusion financière, plus de 300 millions d’adultes dans le monde estiment que l’excès de formalités constitue l’un des principaux obstacles à l’ouverture d’un compte.

Il s’agit par ailleurs de définir des procédures de lutte contre le blanchiment de capitaux (LBC) et le financement du terrorisme (FT) adaptées au niveau de risque, y compris des formalités de vérification de l’identité des clients (KYC : Know Your Customer) susceptibles de simplifier les obligations de vigilance à l’égard des clients (CDD : customer due diligence) en fonction du risque particulier présenté par chaque produit. La solution passe par un régime LBC/FT souple, prenant en compte les risques et couplé à un système d’identification national complet et accessible (identification numérique ou biométrie, par exemple).

Protéger les consommateurs grâce à des règles garantissant l’accès à l’information, le traitement équitable et les mécanismes de recours

Les bonnes pratiques pour la protection des consommateurs de services financiers, définies par la Banque mondiale, soulignent la nécessité d’informer clairement les clients sur les modalités et conditions d’utilisation des produits.

Il s’agit de faciliter les comparaisons entre les offres, d’aider les consommateurs à prendre des décisions financières en connaissance de cause et de prévenir des risques comme le surendettement. Il convient en outre d’introduire une réglementation limitant les pratiques commerciales abusives et facilitant l’accès à des mécanismes de recours.

Encourager le développement de produits financiers innovants adaptés aux attentes spécifiques des usagers en fonction de leurs profils et lieux d’habitation

Pour maximiser leur impact socio-économique, les services financiers mobiles (SFM) doivent apporter de la valeur aux personnes qui se trouvent au bas de la pyramide économique. Les populations mal desservies rencontrent des problèmes spécifiques et ont des besoins financiers particuliers. Pouvoirs publics et prestataires de SFM devront coopérer pour éliminer les barrières comportementales qui font obstacle à l’utilisation de ces services et accroître l’utilité de ces derniers. Pour cela, il faut :

a) Identifier les attentes et besoins spécifiques des populations rurales pour créer des services accessibles à tous : la compréhension des nuances dans la manière dont les consommateurs ruraux gagnent, épargnent et dépensent leur argent peut aider les prestataires à définir une proposition de valeur pertinente pour les utilisateurs ruraux, qui n’est pas forcément la même que pour les utilisateurs urbains.

b) Trouver des solutions à l’absence de pièces d’identité formelles.

L’absence d’un enregistrement obligatoire de la population et de pièces d’identité constitue un obstacle courant à une adoption généralisée des services financiers mobiles. Sur la plupart des marchés, la réglementation joue un rôle important : l’adaptation des formalités de vérification de l’identité des clients (KYC) en fonction des montants en jeu ou celle des documents d’identité requis peuvent faciliter l’adoption de ces services par les citoyens notamment en zones rurales.

c) Investir dans l’éducation financière des citoyens.

Pour développer l’adoption par les citoyens des services financiers mobiles, il faut investir de façon significative dans la formation pour l’utilisation des SFM. Gouvernement, collectivités locales et prestataires de services pourront ainsi mettre en place des formations financières de base, à l’issue desquelles les participants auront la possibilité d’ouvrir un compte et de s’appuyer sur des clients actifs qui joueront le rôle d’ambassadeurs en accompagnant leurs concitoyens dans l’utilisation et les avantages du service. Favoriser un apprentissage entre pairs de l’utilisation des SFM peut jouer un rôle déterminant dans le développement de la pénétration.

Enfin, ces approches complexes et longues à mettre en œuvre, appellent une coordination entre acteurs publics et privés, et leur déploiement nécessite des ressources et une action publique à un haut niveau. Il est par conséquent encourageant de constater qu’à ce jour, des services financiers mobiles sont offerts dans plus de 60 % des pays en développement et que de plus en plus de gouvernements ont formulé des stratégies nationales d’inclusion financière qui fixent leurs objectifs stratégiques et définissent les réformes à mener.

Article extrait de notre livre blanc : Inclusion digital, un enjeu sociétal ?

 

Claire Khoury

Directrice Marketing, Communication et RSE