Sur le marché des Entreprises, les enjeux sont colossaux. Technologiquement, les clients B2B sont déjà habitués à des raccordements complexes - et coûteux - au réseau de l’opérateur. La Fibre amène avec son déploiement un violent changement de paradigme.
Pierre Fiol
Le déploiement du Très Haut Débit est un enjeu économique de compétitivité et d’aménagement du territoire
Les enjeux du développement numérique des territoires sont majeurs : fluidifier les interactions entre la population, les commerçants, les services et les administrations, les services publics et les gouvernements ; faciliter l’accès à la connaissance et à l’éducation ; accélérer le développement des entreprises en leur ouvrant des portes sur leurs marchés et sur le monde. La révolution apportée par les réseaux au sein des économies et des sociétés est désormais mondiale. Plus aucun pays ne peut - ni ne doit - rester à la porte de cette transformation.
La fibre est l’épine dorsale du développement numérique des territoires. Elle porte une promesse d’amélioration de la qualité de vie des populations, de la compétitivité des entreprises, de l’efficacité des services publics et de la modernisation des gouvernements. C’est par l’amélioration des débits et de la Qualité de Service (QoS), talon d’Achille des technologies cuivre, que la fibre permettra de rétablir une égalité des citoyens et des entreprises face à l’accès à l’information.
De la Fibre au FTTH : un choix à arbitrer
La construction de backbones Très Haut Débit, est le prérequis à toute transformation digitale. Pour collecter des données « to the Home » - jusque chez les utilisateurs particuliers et entreprises - le FTTH doit prendre appui sur un réseau d’accès à Très Haut Débit, capable d’acheminer d’énormes quantité de data au sein et en dehors d’un pays. Infrastructures de transport et interconnexions internationales sont donc clés. Le développement des câbles sous-marins (366 câbles parcourant plus de 800 000 kms posés à ce jour) et les programmes internationaux (Warcip, Cab, RCIP) sont deux piliers porteurs, notamment pour les régions africaines et asiatiques, dont la connexion au réseau mondial s’accélère d’année en année.
Si la fibre s’impose comme l’épine dorsale de toute infrastructure réseau moderne, la possibilité d’offrir ses services jusque chez l’habitant, sans perte de qualité ou de débit, reste le graal. Toutefois, le FTTH n’est pas une fin en soi. Le raccordement du dernier kilomètre reste une question fondamentale une fois le réseau en place. Le FTTH est une technologie parmi d’autres. Son déploiement peut coûter cher. Il n’est pertinent que si les conditions techniques, géographiques, financières, marketing sont réunies : infrastructures et schémas urbains adaptés, géographie et topographie, régulation, capacité d’investissement des opérateurs, besoins du marché,... Et si elle permet de proposer aux clients B2C ou B2B des prix accessibles et attractifs. Arbitrer entre FTTH (ou FTTx en général) et, par exemple, un accès mobile (Wimax, 4G,…) est un choix souvent complexe pour les acteurs des télécoms. Le maître mot reste alors : adaptation de la technologie au contexte. Une adaptation qui conduit aujourd’hui 80 % des accès à Internet en Afrique à se faire au travers de réseaux mobiles.
Un levier d’image, d’attractivité et de compétitivité des territoires
Il n’en demeure pas moins que de forts enjeux d’image, d’attractivité et de compétitivité des territoires sont liés au raccordement au Très Haut Débit : la fibre attire les investissements étrangers en offrant des infrastructures à même de répondre aux exigences des groupes internationaux ; elle propose au flux plus « grand public » des touristes des services conformes à leurs attentes et à leurs usages. Il favorise l’émergence de nouvelles zones d’activité ou de pôles de compétitivité. Il contribue aussi à valoriser les talents en facilitant le développement des écosystèmes entrepreneuriaux innovants. En fluidifiant l’échange national et international des données, la fibre ouvre l’accès à des services distants et hébergés (stockage, sécurisation,SaaS…). Elle permet le développement de Data Centers nationaux ou régionaux. Elle facilite les collaborations nationales et internationales, et accélère l’émergence des startups. En 2016, Fintech, EdTech et Healthtech concentraient ainsi près de 30 % des flux d’investissement en Afrique.
Un vecteur de développement social et territorial
En 2015, l’accès à l’Internet fixe coûtait encore 5 fois plus cher dans les pays les moins développés que dans les pays les plus avancés2. Tous les citoyens ne sont donc pas égaux face à l’accès à l’information. Ce n’est pas nouveau. Mais, en dépit des annonces sur la généralisation de l’Internet partout dans le monde, les inégalités persistent. En revanche, elles se sont déplacées : la connectivité est en effet devenue une réalité pour un nombre croissant de populations, mais le niveau de débit et la qualité de service ne sont pas acquis. Loin s'en faut.
Pourtant, dans certains pays, la fibre, combinée à d’autres technologies d’accès pour raccorder le « dernier kilomètre », est un vecteur de désenclavement rural et de proximité accrue des populations avec les services administratifs de santé ou d’éducation. Dans d’autres pays, elle est un levier de développement de l’industrie, ou de l’agriculture. Ailleurs encore, c'est un vecteur de développement social et économique. En effet, la fibre facilite l’émergence des entrepreneurs, TPEs et PMEs, en leur apportant la sécurité, la fiabilité et les services que l’ADSL ne permet pas de trouver.
Les talents et les idées sont partout. Être capable d’amener la qualité de service du Très Haut Débit chez un entrepreneur, dans des conditions économiques soutenables, c’est donner un formidable élan aux initiatives et à la créativité entrepreneuriales d’un pays. Qui aurait imaginé il y à peine 5 ans entendre parler de la Yabacon Valley3 au Nigeria ou de la Silicon Savannah4 au Kenya ?
La fibre donne accès, non seulement à l’information « brute », mais à des services essentiels (éducation, santé, administration) ou économiques (Services OTT) offrant progressivement aux pays les moyens de faire émerger des concurrents locaux face aux grands acteurs internationaux. iROKOtv5, BuniTV6 en sont la parfaite illustration. L’arrivée en 2016 de Netflix sur le marché africain témoigne aussi d’un niveau de maturité des infrastructures suffisant pour commencer à répondre aux attentes du marché.
Exploiter les leviers de la concurrence
La mutualisation des investissements et des infrastructures est une des clés du déploiement de la fibre jusqu’au client final (ou au plus près du client final). Elle permet des synergies entre les opérateurs. Sous réserve d’un encadrement rigoureux par les régulateurs, et de règles claires de concurrence pour les opérateurs, elle accélère le déploiement grâce à un partage des coûts d’investissement, et à une concentration des énergies sur un déploiement plus efficace. En stimulant la concurrence, elle aboutit à des offres plus compétitives et au juste prix pour les clients B2C ou B2B. Elle participe ainsi à la démocratisation de l’accès à une connexion de qualité.
Au-delà d’une mutualisation entre acteurs du seul univers télécom, développer des coopérations entre opérateurs et acteurs de la distribution est un autre enjeu fort. De nombreuses industries comme des groupes pétroliers, des fournisseurs d’énergie électrique et même des opérateurs d’infrastructures routières ou ferroviaires, déploient des réseaux de fibre optique pour servir leur activité. Ces capacités de transport à très haut débit sont souvent sous- exploitées, alors même qu’elles pourraient contribuer au développement économique des pays qu’elles traversent. Si bien qu’en Afrique, de plus en plus d’acteurs équipés de leur propre réseau de Fibre se positionnent en complément aux réseaux d’opérateurs télécom : c’est le cas de l’ONCF au Maroc, ou encore de Sonatrach et Sonelgaz en Algérie.
Des enjeux spécifiques à chaque marché
Sur le marché B2C : démocratiser l’accès à l’information, accompagner l’évolution des besoins et permettre les usages de demain
Sur les marchés les plus matures, où le FTTH est plus facilement déployable, la Fibre apporte la promesse de nouveaux usages : contenus 4K, cloudgaming, stockage en ligne. Les services les plus développés deviennent accessibles avec un confort et une expérience client inégalés.
L’infrastructure qu’elle permet de déployer permettra en revanche de moderniser la connectivité des foyers, et d’accélérer le développement de l’Internet mobile en lui fournissant enfin une infrastructure de transport à la hauteur des attentes des utilisateurs.
Sur le marché B2B : faciliter l’accès au monde numérique pour toutes les entreprises
Sur le marché des Entreprises, les enjeux sont colossaux. Technologiquement, les clients B2B sont déjà habitués à des raccordements complexes - et coûteux - au réseau de l’opérateur (liaisons louées ou spécialisées,…). La Fibre amène avec son déploiement un violent changement de paradigme : la possibilité de disposer de débits énormes, avec une Qualité de Service de haut niveau, à des coûts bien plus raisonnables que par le passé. Une transformation radicale pour les opérateurs sur certains marchés, dont les offres d’accès B2B, de par le coût qu’elles représentaient, restaient inaccessibles à une part importante des clients entreprises (et notamment les TPEs et PMEs). La fibre est donc porteuse d’une promesse forte : d’accélération de leur activité et d’ouverture sur leur marché pour les entreprises ; d’élargissement de leur base clients pour les opérateurs, à condition qu’ils gèrent correctement le passage d’une économie basée sur la marge à une économie davantage centrée sur les volumes.