La mise en place de stratégies Nationales voir régionales (Europe, CEDEA0, Mercosur) Digitales est un acte de politique technologique et industrielle majeur permettant d’établir un cadre aux actions des états ainsi que de créer une cohésion technologique à l’intérieur d’une région. La prise de conscience des enjeux climatiques et sociétaux d’un développement inégal des solutions technologiques fortement influencée par les Millenium goals1 ont marqué une claire évolution dans l’approche des stratégies digitales qui définissent aujourd’hui la technologie comme une pièce structurante d’accès à une meilleure qualité de vie, plutôt que comme un objectif technologique en soi.
La définition des objectifs : de la croissance du PIB au bien-être des populations
La fixation des objectifs des Stratégies numériques, autrefois axée sur la croissance du PIB, a subi un changement significatif en faveur du bien-être économique, social et environnemental des populations et par conséquent changeant l’approche des stratégies. Bien que l’impact des initiatives numériques sur le PIB demeure important, il est loin d’être considéré comme suffisant, car il néglige la répartition de cette croissance au sein des populations. La croissance en termes de PIB est maintenant remplacée par des objectifs axés sur le bien-être social, économique et environnemental. Par exemple, l’Union internationale des télécommunications (UIT)2, qui définissait autrefois des objectifs de croissance, se concentre désormais sur deux objectifs principaux : l’accessibilité pour tous et la transformation numérique durable. De son côté, l’Union européenne fait de l’approche du marché unique un acte d’intégration et de développement industriel dans des domaines stratégiques tels que l’intelligence artificielle, le supercalcul, et les compétences numériques, en mettant l’accent sur la résilience énergétique.
Ainsi, la connectivité n’est plus seulement un objectif en soi, mais elle devient un moyen d’atteindre l’excellence dans une société de services et d’optimiser l’utilisation des ressources énergétiques. Le très haut débit devient le moyen de générer de nouveaux contenus nécessitant une très faible latence, tels que l’intelligence artificielle, le cloud à haute performance et les applications HPC4.
L’approche holistique
L’approche holistique se caractérise par la définition de composantes stratégiques axés par le résultat final recherché (outcome-driven).
Éviter une approche en silos du développement numérique conduit à des actions coordonnées intégrant la chaîne de valeur de l’Internet de bout en bout. Peu de pays du Nord ont encore des plans à large bande globaux, puisqu’il est considéré que la couverture minimale est atteinte. Il s’agit aujourd’hui de mettre en place des plans d’excellence numérique, tout en mettant en oeuvre des actions trans-sectorielles pour déployer des réseaux passifs uniques transportant à la fois l’énergie et les réseaux de technologies de l’information et de la communication (TIC).
Articulation des composantes stratégiques
De la data sur l’économie à l’économie de la data
Alors que la data sur l’économie, visait à définir des informations transportées par les réseaux sur les individus, les institutions ou la recherche, l’économie de la data crée un tout nouveau modèle, ou la data devient un produit en elle-même.
L’économie axée sur les données présente des caractéristiques structurelles distinctes, la positionnant, au moins, comme une instance unique au sein du modèle de croissance endogène plus large et potentiellement constituant un modèle entièrement nouveau. Ces caractéristiques comprennent une asymétrie d’information généralisée, l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) pour l’apprentissage à une échelle industrielle, de nouveaux modes de commerce et d’échange dont la valeur échappe aux systèmes traditionnels de comptabilité économique. Dans ce nouveau modèle, la cyber sécurité d’un côté et les applications disruptives et innovantes de l’autre jouent un rôle essentiel.
Ainsi, toutes les nouvelles stratégies que ce soit dans les pays émergents ou dans les pays du Nord définissent de forts axes de Cybersécurité.
Inclusion et résilience énergétique, les deux nouveaux piliers du développement des ICT
Alors que la notion d’inclusion dans les pays du Nord vise l’accès généralisé à des services, dans les pays émergents, la connectivité reste un facteur clé. Il s’agit dans un cas d’un accès égal des citoyens à des services de gouvernement électronique, santé et éducation et dans l’autre de couverture des populations isolées pour permettre les communications de base.
La double contrainte pour les pays émergents consiste à déployer des réseaux tout en assurant une certaine efficacité énergétique, dans des lieux ou la distribution électrique est souvent défaillante voir absente. Ceci a poussé gouvernements et opérateurs à trouver des solutions innovantes (le déploiement de light towers5 alimentés par énergie solaire par exemple) ou à être plus efficaces dans leurs déploiements en incitant l’usage conjoint d’infrastructures passives par les opérateurs électriques et télécom (Kosovo, Burkina Faso, Projets au Mozambique).
Le défi pour les pays émergents
Bien qu’il soit fortement recommandé aux pays émergents d’intégrer les Millenium Goals dans les stratégies numériques, en particulier du fait de l’influence des bailleurs de fonds, la réalité de l’applicabilité de cette approche est complexe en particulier quand il s’agit de l’inclusion. Bien que, sous l’influence des organisations internationales des actions en faveur de l’intégration des jeunes et des femmes soient énoncées dans nombre de stratégies, peu d’actions concrètes sont mises en place.
Toutefois, de nouvelles approches, issus de la capacité d’adaptation de solutions aux réalités locales apparaissent et sont parfois (notamment en ce qui concerne l’énergie) plus disruptives que les approches adoptées par les pays du Nord.
Les pays émergents, cherchent à trouver leur propre chemin pour atteindre les « Millenium goals » et montrent, pour nombre d’entre eux, de fortes capacités d’adaptation de ces objectifs aux réalités locales. Il est fort à parier que des initiatives par ilots qui existent aujourd’hui, évolueront vers des stratégies plus coordonnées et étendues avec la mise en place de plusieurs marchés uniques (UEMOA, MERCOSUR, etc) et le support très actif des organisations internationales.