Quelle que soit la situation, le cadre réglementaire reste essentiel à un développement cohérent de la 5G.
Maria Macra
Depuis 3 ans, la 5G fait partie de la plupart des plans nationaux des pays développés. De leur côté certains pays émergents intègrent le déploiement de la 5G comme un facilitateur ultime de leur connectivité. En effet, la promesse d’une giga connectivité non filaire apparaitrait comme une solution miracle pour les pays où les coûts et risques de construction de réseaux sont très élevés. Quelle que soit la situation, le cadre réglementaire reste essentiel à un développement cohérent de la 5G.
Giga connectivité : la nouvelle frontière
La 5G peut répondre aux besoins de connectivité.
La demande en capacité des réseaux fixes a largement dépassé les prévisions faites il y a 10 ans, en très grande partie en raison des usages multi-écrans des OTT.
La demande de capacité a explosé de manière analogue sur les réseaux mobiles, avec une augmentation moyenne du trafic de 100% dans les pays émergents et de 50% dans les pays développés. L’arrivée des applications et des terminaux pouvant les supporter en est la cause.
Parallèlement, dans les pays développés, la densité des objets connectés devrait passer de
1 000 à 100 000 par km2 dans les 10 prochaines années.
Dans ce contexte, le déploiement de la 5G répond à deux demandes : celle du grand public d’étendre ses usages fixes sur le réseau mobile et celle de l’industrie d’avoir un réseau adapté à l’exploitation du potentiel de l’IoT.
…Mais les opérateurs doivent assurer sa rentabilité
Toutes les avancées liées à la 5G et aux nouvelles applications ont des coûts directs et indirects non négligeables pour les opérateurs.
Déjà l’ITU et la BEREC[1] ont alerté sur les potentiels effets des lancements de la 5G sur la brèche numérique pour le marché résidentiel. Dans le but d’obtenir des retours sur investissement raisonnables, la plupart des opérateurs envisagent des déploiements initiaux soit en zones denses (les villes), soit dans des zones industrielles très délimitées pour servir les entreprises. Le risque d’augmentation de la brèche numérique est donc important autant à l’intérieur d’un même pays qu’entre pays émergents et pays développés.
Comment bien intégrer la 5G à un plan national très haut débit ?
Dans le cadre des lancements de la 5G, le rôle des politiques publiques est structurant pour organiser le marché, faciliter l’investissement et créer les conditions de croissance.
L’intégration de la 5G dans la roadmap des plans nationaux devra prendre en compte quatre éléments importants et non exclusifs.
1. Identifier la demande
Un lancement réussi de la 5G s’appuie sur une demande existante ou latente et potentiellement importante.
La 5G répond à une demande de capacité mais aussi de symétrie des applications et de très basse latence. Si l’industrie d’un pays n’est pas prête à utiliser massivement les objets connectés ou à lancer des services s’appuyant sur cette technologie, ou si le marché résidentiel ne peut pas se payer les applications qui lui seraient adressées, il est plus adapté à ce stade de créer les conditions de la croissance et des usages sous des réseaux 4G.
Il faudra aussi intégrer la forte différence entre pays à forte pénétration fixe et pays centrés sur le mobile. Dans les premiers, la continuité fixe/mobile sera la base du développement massif des applications alors que dans les seconds, il s’agira d’incrémenter les usages applicatifs « wireless centric » et de type OTT.
Du point de vue industriel, les acteurs publics doivent trouver le juste timing. Il ne faut pas imposer des échéances trop tôt avant le lancement des applications et des terminaux : ce serait générateur de frustration. Mais il ne faut pas non plus les fixer trop tard car cela freinerait le développement. Personne ne souhaite aboutir à une situation où des clients équipés de voitures connectées de dernière génération, dont les fonctionnalités ont probablement été un élément important dans la décision d’achat, ne pourraient pas les utiliser.
2. Evaluer la maturité des réseaux
La promesse d’une connectivité très haut débit sans fil doit être portée par un réseau cohérent de bout en bout et notamment par des backhauls et des réseaux backbone de capacité suffisante. Sans cela, les services ne seront pas fonctionnels.
Ainsi, il serait prématuré et probablement contreproductif d’imaginer le lancement de licences 5G dans un écosystème ne pouvant pas supporter les applications liées à cette technologie.
Selon les pays et leur situation, les exigences des pouvoirs publics au niveau de l’écosystème télécom pourront porter sur différents sujets :
- la « mise à niveau » de tronçons de réseau de qualité moindre,
- la garantie de sécurité des réseaux,
- l’extension de la couverture des réseaux,
- la mise en place de nouvelles règles du marché de gros pour réguler les relations entre les fournisseurs d’applications et de réseaux.
3. Considérer la migration
L’effet tunnel connu avec le remplacement complet de réseaux fixes obsolètes par des réseaux numériques en Amérique Latine, ou l’implémentation de la 4G dans les pays qui étaient en retard sur la 3G dans le mobile (Asie du Sud-est), ne pourra pas avoir lieu, du moins dans les mêmes proportions, pour les solutions 5G. En effet, le besoin de mise à niveau générale du backbone et du backhaul ne pourra pas être omis. Ainsi, il serait peu réaliste, en dehors de certains cas précis (très grandes villes de la Chine, ou d’Amérique Latine) de penser que les pays en retard sur les déploiements 4G pourront intégrer la 5G sans encombre.
4. Eviter l’accroissement de la fracture numérique
Finalement, il ne faudra pas oublier l’importance des cadres réglementaires publics dans la réduction de la fracture numérique. Ainsi, bien que moins rentable à court terme, la 5G permettrait la couverture à très haute capacité des zones mal couvertes aujourd’hui par les réseaux haut débit de qualité.
La mise en place de plans spécifiques, permettant, par exemple, un temps d’exploitation exclusive pour les opérateurs ayant réalisé les investissements, constituerait une des solutions possibles pour favoriser à la fois le déploiement technologique et la croissance des services associés.
Bien que l’intégration de la 5G dans les plans à 5 ans des pays développés ne fasse pas débat, les pays émergents doivent considérer le chemin nécessaire pour arriver à une implémentation réussie de ce nouvel environnement technologique en visant en premier lieu l’harmonisation de leur réseau large bande, et la mise en place de partenariats publics-privés en cohérence avec des objectifs industriels au sens large.