La crise sanitaire est venue nourrir le sentiment d’urgence climatique. Elle a fait converger les aspirations du public et les intérêts des entreprises pour les innovations en faveur du climat. L’action contre le réchauffement climatique est devenue en quelques années à la fois un défi sociétal et une opportunité pour les entreprises. Opportunité en termes d’investissement : selon le rapport PWC[1], si les climate techs (ou technologie pour le climat) ne représentent que 6% du capital-développement en 2019, leur croissance est de l’ordre de 3750% depuis 2013. Opportunité en termes d’innovation : en janvier 2020, 25% des entrepreneurs français estiment que l’engagement des entreprises en faveur du climat se traduira par de nouveaux produits et services[2]. Opportunité également en termes de raison d’être : le défi climatique offre aux acteurs l’occasion d’ancrer leurs engagements dans le quotidien et leur business dans la durée.
Les startups à l’assaut de l’urgence climatique
L’objectif ambitieux de zéro émission nette de CO2 d’ici 2050 nécessite de soutenir l’innovation et d’accélérer la mise sur le marché de solutions efficientes. Les startups et les investisseurs qui les soutiennent ont un rôle primordial dans le développement des climate techs. Ce terme englobe un large spectre de solutions qui s’appuient sur :
- des procédés et des usages moins émetteurs de gaz à effet de serre,
- des modèles économiques qui intègrent les principes de l’économie circulaire,
- l’optimisation des ressources et des usages via le big data,
- des procédés de capture et stockage de CO2.
La course à la décarbonisation de notre économie s’illustre par une accélération des levées de fonds (+35% TCAC) et des montants investis (+84% TCAC) sur la période de 2013 à 2019. Elle ne concerne plus seulement le secteur de l’énergie mais de nombreux autres et en particulier : le secteur de la mobilité et du transport qui représente à lui seul 63% des investissements sur les 7 dernières années, celui de l’agriculture et de l’alimentation, de l’industrie et de la construction.
Selon le rapport PWC et les données de Dealroom.co[3], plus de 1200 startups à travers 70 pays étudiés ont ainsi été financées par 2700 investisseurs lors de cette période.
Pas de transition sans une coopération forte entre grands groupes et startups
Relever le défi climatique nécessite de développer des partenariats entre grands groupes et startups. La convergence des intérêts pour l’émergence rapide de nouveaux services et de nouvelles solutions poussent les uns et les autres à coopérer. Pour innover plus vite, les grands groupes investissent massivement dans l’écosystème des startups, qui bénéficient ainsi de sites pilotes pour tester leurs solutions et accélérer leur industrialisation.
Cette dynamique s’est illustrée ces derniers mois par la création de fonds de capital investissement entreprise (CVC) tels que le Climate Innovation Fund de Microsoft de 1Mds $ (janvier 2020), le Climate Pledge Fund d’Amazon de 2Mds $ (juin 2020) ou encore le Climate & Nature Fund d’Unilever de 1Mds € (juin 2020).
D’autres acteurs plus petits mettent également en œuvre des actions similaires. En octobre 2020 Stripe, société fondée en 2010 qui offre un système de paiement en ligne, crée le Stripe Climate Fund qui permet à ses entreprises clientes américaines de rediriger une partie de leurs revenus vers un fonds dédié au financement de startups développant des solutions de capture et de stockage de CO2.
Un défi à relever maintenant sous peine d’être pénalisé demain
Relever le défi climatique n’est pas seulement une opportunité mais aussi une condition de pérennité. Le manque d’informations en matière de « reporting climat[4] » des entreprises pointées par la société EcoAct est un mauvais signal envoyé à l’opinion public et aux investisseurs.
Face à l’inertie de certains grands groupes, certains actionnaires font pression : les signataires des Principes pour l’Investissement Responsable[5] exigent que les entreprises dans lesquelles ils ont investi intègrent dans leurs bilans financiers les risques que représente le changement climatique. Ils les incitent ainsi à adopter des stratégies durables alignées sur l’Accord de Paris. Ils leur rappellent aussi que cette période marquée par la volonté de consommer et produire autrement offre une opportunité d’ancrer sa raison d’être dans l’action, d’aligner discours et pratiques.
[1] PWC, The state of climate tech 2020 : The next frontier for venture capital, septembre 2020, https://www.pwc.com/gx/en/services/sustainability/publications/state-of-climate-tech-2020.html. Le périmètre des données comprend 70 pays.
[2] PWC, Changement climatique : défi ou opportunité, janvier 2020, https://www.pwc.fr/fr/publications/dirigeants-et-administrateurs/global-ceo-survey/23eme-annual-global-ceo-survey/changement-climatique.html
[3] https://blog.dealroom.co/the-next-frontier-in-venture-capital-climate-tech/
[4] Le terme « reporting climat » fait référence au reporting extra financier prévu dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique. Il vise à accroître « les obligations de transparence des acteurs financiers sur la prise en compte de critères relatifs au respect d’objectifs environnementaux (…) dans leurs stratégies d’investissement, et la prise en compte spécifique des risques climatiques », <https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/677780aa-0aac-42bb-a144-37f942cd738d/files/b290fb4b-da2c-4750-99d4-3841e71d1fe8>
[5] Novethic, Engagement actionnarial 2020 : les investisseurs responsables face aux dilemmes des AG 2020, juillet 2020,<https://www.novethic.fr/fileadmin/user_upload/tx_ausynovethicetudes/pdf_complets/Novethic_Engagement_actionnnarial_Juillet_2020.pdf>