En termes d’usages et de services, le déploiement de la 5G suscite beaucoup d’enthousiasme. Néanmoins, un sujet préoccupe les opérateurs : la maîtrise de la consommation énergétique de leurs réseaux. La croissance exponentielle du trafic de données risque d’impacter autant leur empreinte carbone que leurs coûts d’exploitation. Des solutions existent pour agir sur l’efficacité énergétique des communications 5G et réduire la consommation des autres réseaux. L’objectif est clair : compenser le supplément de consommation dû à l’introduction de la 5G.
Le secteur des télécoms est consommateur d’électricité. Cette consommation d’énergie est émettrice de CO2 et coûte cher aux opérateurs. Conscients de l’urgence climatique, les grands opérateurs se sont déjà mis au vert. Pour réduire leur empreinte carbone, ils ont intégré dans leurs engagements de RSE des objectifs de baisse de la consommation électrique de leurs équipements (réseaux, data centers) et d’amélioration globale de leur performance énergétique. Certains en ont même fait une arme marketing.
L’arrivée de la 5G va leur demander de nouveaux efforts et investissements pour répondre aux objectifs responsables fixés par les organismes de normalisation de la 5G et maîtriser le coût global de possession de leur réseau 5G.
La 5G : une technologie qui se doit d’être efficace énergétiquement
La consommation moyenne de données par smartphone croît significativement : Ericsson prévoit qu’elle passera de 5,6 Go/mois en 2018 à 24 Go/mois en 2025 [1] dans le monde.
En France, l’ARCEP mesure, dans son rapport 2019, une consommation moyenne de 4,8 Go par mois.[2]
En théorie, la 5G a été conçue pour supporter une multiplication par 1 000 du trafic de données mobiles dans les 10 prochaines années. S’il est difficile d’évaluer aujourd’hui son impact environnemental, mathématiquement la croissance exponentielle du trafic augmentera la consommation totale d’énergie des réseaux d’opérateurs.
Face à ces projections, les organismes de normalisation de la 5G ont fixé des objectifs d’efficacité énergétique ambitieux :
- Ainsi l’Union Internationale des Télécommunication (UIT) demande aux opérateurs 5G d’améliorer leur consommation énergétique[1] d’un facteur 100 par rapport à la 4G (équipements du réseau 5G jusqu’à 100 fois moins énergivores que la 4G par rapport à un même volume de trafic livré).
- Le Next Generation Mobile Networks (NGMN) indique dans son White Paper 5G que la nouvelle technologie doit réduire de moitié la consommation moyenne des réseaux actuels.
Cet objectif, rapporté à la multiplication par 1 000 du trafic, impliquerait une multiplication par 2 000 de l’efficacité énergétique du réseau 5G dans les 10 prochaines années !
Des solutions natives d’efficacité énergétique
La consommation énergétique de la 5G ramenée au kbit promet donc d’être nettement améliorée. Cette amélioration s’appuiera sur plusieurs facteurs :
- Le recours, concernant le hardware, à la technologie massive MIMO qui sera le socle des performances avancées de la 5G. Elle se caractérise par l’utilisation d’un nombre élevé de micro-antennes intelligentes situées sur le même panneau et améliore considérablement l’efficacité spectrale. Elle bénéficie également d’amplificateurs de puissance et des circuits de processing plus efficaces énergétiquement.
- L’introduction dans les stations de base de fonctionnalités d’économies d’énergies (mode veille à plusieurs niveaux). Elles permettront d’adapter la capacité et la performance du réseau suivant la demande et le trafic, tout en maintenant un niveau de qualité de service constant. Ces fonctionnalités « Advanced Sleep Modes » déjà déployées sur les réseaux existants, prendront plus d’ampleur sur la 5G car elles ont été pensées et introduites par la normalisation 5G de la 3GPP.
Une augmentation prévisible de la consommation dans la phase de transition
Cependant, les tests 5G réalisés jusqu’à présent par certains opérateurs avec la technologie actuellement disponible ont montré qu’en valeur absolue, la 5G pouvait être jusqu’à 3 fois plus consommatrice d’énergie que la 4G.
- L’implantation commerciale de l’architecture hardware mMIMO est toute récente. La technologie est encore immature en termes d’efficacité énergétique. Les expérimentations montrent un net accroissement de la consommation à deux niveaux : celui des modules radio 5G (éléments de transmission et réception, amplificateurs de puissance) ; celui des équipements baseband car les capacités et débits supérieurs de la 5G nécessitent aussi une puissance supérieure pour le processing et le traitement des données.
- Par ailleurs, comme le souligne l’équipementier Huawei, le déploiement de sites multibandes de fréquences conduira les opérateurs à redimensionner l’alimentation électrique des sites et des solutions de secours énergétique en place pour absorber des pics de consommation électrique[2]. Les solutions en place risquent ainsi de devoir être renforcées ou de voir leur architecture fortement modifiée avec l’utilisation de systèmes d’alimentation de dernière génération.
Comment maîtriser ces dépenses énergétiques ?
Dans cette phase transitoire, plusieurs solutions existent pour maîtriser ses CAPEX et OPEX.
1. Estimer les bénéfices d’un remplacement anticipé des équipements 2G/3G/4G
Les renouvellements d’équipement font augmenter le CAPEX mais, sans investissements ce sont les OPEX énergie qui augmenteront. Or, dans la période actuelle – c’est une faiblesse dont les équipementiers sont conscients - chaque nouvelle version d’équipement proposée apporte une nouvelle amélioration. Il convient donc d’évaluer l’opportunité d’un remplacement immédiat ou plus tardif en mettant en place un business case permettant de trouver le juste équilibre. Le niveau de maturité des équipements sera un critère de choix. Si les hardwares et software sont en fin de vie, mieux vaut les remplacer.
2. Déployer les fonctionnalités d’économies d’énergie
Les Advanced Sleep Modes de la 5G constitueront pour l’opérateur un levier fort de maîtrise de ses OPEX énergie. Si elles ne sont pas encore toutes déployées, leurs fonctionnalités agiront à terme à plusieurs niveaux promettant une réduction de 30 à 40% de la consommation totale d’un site. Elles seront le socle d’un réseau intelligent et dynamique capable d’optimiser au maximum sa consommation énergétique en fonction du trafic et des services qu’il offre.
3. Faire des tests au sein des villes pilotes pour mesurer en conditions réelles
Les mesures en conditions réelles, dans des villes pilotes, sont un moyen idéal pour vérifier le comportement des équipements en termes de dépenses énergétiques. Elles permettent, avant de se lancer dans un déploiement massif, de maîtriser l’ensemble des paramètres qui influent sur la consommation et de construire un modèle comparatif des différentes configurations. C’est le préalable au choix de la solution la plus efficace énergétiquement pour répondre aux besoins de la performance souhaitée du réseau.
4. Imposer des critères d’économies d’énergie dans les appels d’offres
Ces tests permettent également d’inclure dans les appels d’offres, sur des bases validées, des critères de consommation énergétique, avec les KPIS et pénalités correspondantes en cas de non-respect.
5. Adapter la configuration des sites radio en fonction des besoins servis par ce site
Désormais, pour configurer les sites, il faudra tenir compte du nombre de clients potentiels, du type de services rendus et du niveau de criticité des services rendus afin de déterminer le service minimum attendu. Cela permettra d’adapter au plus près des besoins les configurations (64TR, 32TR), la puissance (80W, 100W, 120W…), les solutions de secours et les niveaux de qualité de service lorsque le passage au mode standalone (SA) donnera accès au slicing afin de servir le besoin et son évolution sans suréquiper ni surconsommer.
En dépit des injonctions des organismes de normalisation et des efforts des équipementiers, les opérateurs 5G seront confrontés à une augmentation des dépenses énergétique de leur réseau qu’ils pourront néanmoins maîtriser. Désormais, la configuration des sites radio devra tenir compte d’un 3ème critère, en plus de la couverture et de la capacité du site : la consommation énergétique. La planification fine des remplacements d’équipement, la mise en œuvre des « advanced sleep modes », une juste « pression » sur les équipementiers et surtout l’anticipation des services rendus et de la qualité de service voulue sur le réseau sont les clés de la maîtrise des CAPEX et OPEX.
[1] https://www.ericsson.com/en/trends-and-insights/consumerlab/consumer-insights/reports/5g-consumer-potential
[2] https://www.arcep.fr/fileadmin/cru-1570120300/reprise/dossiers/collectivites/ateliers-TC-2019/atelier-TC-5G-part01-260619.pdf
[3] https://carrier.huawei.com/~/media/CNBG/Downloads/Spotlight/5g/5G-Power-White-Paper-en.pdf