S’il est aujourd’hui encore trop tôt pour savoir quelle stratégie sera en définitive la meilleure et les marchés semblent encore peu amènes à valoriser les efforts concédés par les opérateurs, il en sera d’autant plus intéressant de voir les évolutions et les restructurations possibles dans les années à venir.
Ludovic Varga
Avec l’arrivée de la 5G, l’essor des besoins en fibre liés au télétravail, l’explosion des usages en connectivité des particuliers sur le temps de loisir ou encore l’omniprésence des besoins IoT, le marché des Télécoms pourrait paraître comme un nouvel eldorado financier.
Et pourtant, dans toute l’Europe, les opérateurs sont loin de pouvoir se targuer de leurs performances boursières. Les cours d’Orange, Telefonica ou Vodafone peinent à retrouver leur niveau d’avant la crise Covid quand l’action Deutsche Telekom croît à peine malgré l’annonce de résultats plus qu’encourageants.
Ces résultats boursiers en demi-teinte, dans un secteur déjà en proie à de nombreux bouleversements ont même poussé certains investisseurs (Altice, Iliad) à racheter leurs parts publiques, estimant que leurs sociétés n’étaient pas assez valorisées au vu de leurs résultats.
Les opérateurs Télécoms peinent à décoller en bourse car ils ne correspondent pas aux standards des marchés d’investissement …
De manière générale, les marchés financiers sont principalement intéressés par deux grands types d’investissement :
- Les investissements de courts à moyens termes, souvent risqués, que l’on pourrait qualifier de « paris ». Ce sont des investissements qui peuvent générer de grandes plusvalues notamment suite à une augmentation importante de la valorisation des entreprises rachetées. Or la plupart des opérateurs européens ne peuvent pas prétendre à entrer dans cette catégorie puisque le marché est par nature saturé (taux de pénétration mobile et fixe élevés) et qu’ils peinent à améliorer leurs efficacité opérationnelle pour compenser des baisses de revenus sur le roaming par exemple avec l’arrivée des OTT.
- Des investissements longs termes pour constituer un fond de capital moins risqué mais rentable. C’est là que les opérateurs pourraient jouer un rôle majeur car la plupart offre des ratios dividendes / prix de l’action intéressants (Orange par exemple offre un rendement brut de près de 10% quand le marché offre entre 3 et 5%) et qu’ils ne constituent pas de risque d’investissement important sur une longue période de temps.
Si les opérateurs ne s’insèrent que difficilement dans cette seconde catégorie c’est que les grands marchés d’infrastructure en général ne sont pas forcément perçus comme intéressants. A cela, se rajoutent des effets propres aux opérateurs :
- Ils jouent sur des ratios d’investissement sur un trop long terme (par exemple, le rendement d’un déploiement de fibre optique peut être étalé sur 15, 20 ou 25 ans).
- Ils ont un niveau de dette souvent très important avec des leviers financiers moins importants que d’autres acteurs de poids comparable. De plus, la faible croissance du marché des télécoms peut faire douter les investisseurs sur la capacité des opérateurs à la rembourser comme le Financial Times le soulignait récemment avec les cas de Telefonica ou Telecom Italia.
- Le poids politique de l’investissement est souvent perçu négativement or les opérateurs historiques européens, même entièrement privatisés, gardent des liens politiques souvent très forts (en France, en Italie ou même en Allemagne pour ne citer que ceux là).
Les opérateurs contre-attaquent afin de lever des fonds pour leurs investissements
Les opérateurs s’intéressent aux marchés financiers pour pouvoir réévaluer leurs actifs et réaliser des levées de fonds nécessaires pour continuer à investir dans leurs réseaux.
Pour répondre à ces besoins de financement, sécuriser les risques d’investissements et augmenter leurs capacités de financements, les opérateurs développement de plus en plus des partenariats avec différents acteurs. Parmi les exemples récents, on peut citer :
- La création de jointventures avec des acteurs financiers : Téléfonica et Allianz ont par exemple annoncé la création de UGG (une joint-venture avec 50% de participation pour chacun) afin d’accélérer le déploiement de la fibre optique dans les zones rurales en Allemagne. C’est aussi le cas en France, avec Orange et sa filiale Orange Concession en partenariat avec la Banque des Territoires (Caisse des Dépôts), CNP Assurances et EDF
- La création de jointventures avec des spécialistes de l’infrastructure : Proximus en Belgique a annoncé le déploiement de plus de 500.000 fibres en Belgique grâce à un partenariat wholesale avec Delta Fiber et Euro Fiber.
Des restructurations stratégiques pour éviter les rachats :
Ces nouveaux leviers d’investissement, s’ils sont suffisants pour consolider les positions des opérateurs dans leur zone d’actions, ne suffisent pas à rassurer les marchés financiers ni à éviter les OPA, fréquentes sur le marché.
Pour améliorer leurs positions en bourse, différentes stratégies sont mises en places telles que :
- Profiter de l’arrivée d’acteurs d’infrastructures et de la 5G pour se délester de leur infrastructure et devenir plus léger, en se recentrant donc sur des activités digitales pour complaire aux marchés financiers comme Téléfonica en Espagne;
- Renforcer leur poids et leurs positionnements sur l’infrastructure en créant des actifs dédiés comme Orange l’a fait avec sa filiale TowerCo ou ses investissements sur la fibre.
S’il est aujourd’hui encore trop tôt pour savoir quelle stratégie sera en définitive la meilleure et les marchés semblent encore peu amènes à valoriser les efforts concédés par les opérateurs, il en sera d’autant plus intéressant de voir les évolutions et les restructurations possibles dans les années à venir.