Seule l’invention d’un nouveau modèle économique et social vertueux, inclusif et durable permettra la décarbonation
En 2015, des décisions historiques ont émergé de l'adoption par l’ONU des Objectifs de développement durable (ODD) et de l'Accord de Paris pour transformer notre planète en un monde durable. Mais des tensions géopolitiques, énergétiques et économiques entravent les efforts de la transition écologique. A mi-parcours, il revient aux gouvernements d’impulser une nouvelle dynamique.
A l’été 2022, les inondations, les sécheresses, les canicules, les feux et leurs conséquences désastreuses ont sonné l'alerte rouge. Le dérèglement climatique est une réalité tangible. Plus que jamais, il menace l’avenir de la planète. Pour atteindre leurs objectifs de neutralité carbone en 2050, les pays doivent amplifier leurs efforts et réduire drastiquement leurs émissions de CO2 notamment.
Penser la transition écologique avec la transition énergétique et la transition économique
La réussite de la transition écologique dépend fortement de la transition énergétique puisque l'énergie est à l’origine de la majorité de émissions de gaz à effet de serre. Elle est aussi tributaire de la transition économique puisque les activités reposent sur cette énergie. Il est indispensable de revisiter les façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble pour répondre aux grands enjeux du changement climatique, de la perte accélérée de la diversité, de l'insuffisance des ressources et de la multiplication des risques sanitaires liés à la pollution environnementale. Seule l’invention d’un nouveau modèle économique et social vertueux, inclusif et durable permettra la décarbonation.
Trois leviers d’action
Face à ce défi majeur, les Etats et les gouvernements doivent poursuivre trois objectifs opérationnels :
- Accélérer le recours aux énergies renouvelables : réduire la dépendance aux énergies carbonées et remplacer progressivement les énergies polluantes par de l’éolien, du solaire et de l’hydroélectrique.
- Faire adopter la sobriété énergétique et la consommation responsable : promouvoir la modération dans la production et dans la consommation des produits et des ressources, notamment énergétiques. Favoriser l'efficacité énergétique.
- Développer une économie circulaire pourvoyeuse d’emplois locaux, et privilégier les circuits courts : réutiliser, réparer, recycler, limiter les transports.
Intégrer la transition écologique et la transformation numérique au cœur des plans de relance gouvernementaux
Pour réussir cette transformation urgente et stratégique et impulser une dynamique globale, les Etats et gouvernements ont plusieurs rôles à jouer :
Décloisonner des stratégies gouvernementales trop fragmentées. Le ralentissement économique lié à la pandémie est propice à la résilience pour construire la relance. Les nécessaires transitions écologique et énergétique s’ajoutent aux défis de la transformation numérique que les gouvernements ont lancée depuis plusieurs années. Elles sont une opportunité pour les Etats de développer une économie globale plus inclusive et durable. En effet, il n'est plus possible de penser ces transformations comme des briques indépendantes. Les stratégies nationales doivent intégrer, au sein d’un même Plan, les enjeux et les objectifs des transitions écologique, énergétique et économique et les consolider avec la stratégie numérique. Le numérique est déjà reconnu comme un levier de réussite de la transition écologique, même si l’empreinte carbone du secteur représente déjà 3,8% des émissions globales.
Piloter, soutenir et promouvoir cette transition vers un monde durable ainsi que ses facteurs clés de succès. Il revient aux Etats d’être acteurs dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie et pour cela de :
- Promouvoir la transition auprès des entreprises, des associations, des bailleurs de fonds, des citoyens.
- Embarquer dans la démarche tous les acteurs publics y compris les élus et les agents territoriaux.
- Encourager et soutenir la participation citoyenne. Depuis plusieurs années, de très jeunes acteurs se mobilisent pour le climat. Leurs initiatives sont souvent plus avancées que celles des gouvernements.
- Favoriser le développement de compétences dans le domaine des technologies vertes.
- Développer des actions de sensibilisation et d’éducation de tous et une culture de la transformation et de la sobriété.
Accroître la coopération internationale : l’action des pays doit s’inscrire dans une vision « One Planet » et rester cohérente avec les engagements du Programme des Nations Unies pour le Développement international (PNUD) et notamment les 17 ODD adoptés en 2015 par 193 pays. En effet, des pays en développement et les pays vulnérables subissent injustement les effets du dérèglement climatique causé par les activités économiques des pays développés. Une approche universellement solidaire est indispensable pour coconstruire une démarche résiliente, adaptative et responsable.
Des outils financiers et réglementaires
Pour accélérer la transformation, les gouvernements disposent de deux outils :
- Des financements. En 2009, puis en 2015, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de $ par an pour financer leur action climatique sur la période 2020-2025. Ils ont aussi promis d’engager des fonds pour financer une partie des actions des pays émergents ou en voie développement.
- Un cadre juridique incitatif. Des réglementations structurantes de soutien aux énergies renouvelables et à l’économie circulaire ont prouvé leur efficacité. En France, par exemple, l’écotaxe, la fin de l'attribution de permis d'exploration d'hydrocarbures et le remboursement d’une partie des frais de réparation d’un appareil électroménager engagent entreprises et citoyens à prendre le chemin d’une transition vertueuse et durable.
Des efforts insuffisants et inégaux à travers le monde
Hélas, le Sustainable Development Report 2022 de l’ONU, réalisé avec l’Université de Cambridge, révèle que, pour la deuxième année consécutive, le monde ne progresse plus sur les ODD mesurés par l’indice Sustainable Development Goals (SDG). Le score moyen a même légèrement diminué en 2021. Les progrès réalisés depuis 2015 sont freinés par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 et des guerres.
Sur le volet environnemental, les émissions de CO2 liées à l’énergie ont augmenté de 6% en 2021, atteignant le plus haut niveau jamais atteint et réduisant à néant la chute historique des émissions mondiales enregistrée en 2020 et liée à la pandémie.
Par ailleurs, les pays développés n’ont pas tenu leur engagement de financement de l’action climatique : ils n’ont versé, en 2019, que 79,6 milliards de $ sur les 100 milliards de $ prévus.
La nécessité d’une accélération et d’une mobilisation mondiale
Il existe désormais 50% de risque de dépasser le seuil de 1,5°C d’augmentation moyenne de la température, fixé pour 2030 ! A mi-parcours, les Etats doivent redoubler d’efforts et d’engagements pour réussir cette transition majeure dans un contexte fait de grandes incertitudes et d’insécurités humaines. Un quart de la population mondiale vit dans un pays en conflit. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont accentué la crise alimentaire, la pénurie de ressources et la dette des pays en développement. L’inflation est là. Pour vaincre la résistance au changement les gouvernements devront : œuvrer pour la paix et une coopération internationale renforcée autour d’objectifs partagés ; s’engager dans un plan de financement plus ambitieux de la transition écologique mondiale ; s’appuyer sur les innovations technologiques vertes pour trouver les solutions, définir une gouvernance rigoureuse pour mesurer les progrès et embarquer tous les acteurs.