Rendre la e-santé plus inclusive, en permettant au plus grand nombre d’accéder à des services numériques de santé, reste un défi pour de nombreux gouvernements dans le monde.
La e-santé optimise l’efficacité des systèmes de santé nationaux, améliore la qualité des soins dans un contexte de vieillissement de la population et de croissance des maladies chroniques. Ses technologies innovantes apportent des réponses aux défis du domaine médical. C’est un marché en croissance exponentielle dans le monde. Cependant il existe encore de fortes disparités régionales dans l’utilisation, l’accessibilité et même l’existence des applications de santé.
Qu’est-ce que la e-santé ?
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), promotrice du développement de la santé numérique à l’échelle mondiale, définit la e-santé comme l'utilisation efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le domaine de la santé. Son large éventail d'applications va des systèmes de gestion des dossiers médicaux électroniques à la télémédecine, à la robotique médicale et aux applications mobiles de santé. Toutes visent à améliorer les prestations de soins de santé, la prévention et la gestion des informations médicales.
Un marché en croissance exponentielle au service de la médecine de demain
En 2023, la valeur du marché mondial de la santé numérique était estimée à 234,5 milliards de dollars par le rapport Global health care outlook 2020 du cabinet Frost & Sullivan, soit une hausse de près de 160% par rapport à 2019. Selon le cabinet Fortune Business Insights, il devrait atteindre 559,52 milliards de dollars d’ici à 2027 ! Cette croissance s’appuie notamment sur une hausse du marché des infrastructures d’analyse de données massives (big data) en santé, le développement du suivi médical à distance et celui des objets connectés de santé.
Alors que la moitié de la population mondiale n’a pas accès aux services de santé de base, le déploiement de stratégies nationales de e-santé sert un objectif de couverture sanitaire universelle. Ce déploiement répond à la nécessité de fournir des prestations médicales de meilleure qualité à un prix abordable et soutenable. Il permet d’optimiser, de fluidifier et de coordonner les parcours médicaux. Il contribue au décloisonnement des filières sanitaires et médico-sociales.
En outre, la e-santé sera le levier de développement et de promotion d’une approche révolutionnaire de la médecine de demain, théorisée comme la « médecine des 4P » et caractérisée par une prise en charge globale : à la fois Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative.
En effet :
- Elle utilisera des modèles avancés pour anticiper les risques de maladies et faciliter une prise en charge précoce.
- Grâce au suivi en temps réel, elle permettra aux individus de jouer un rôle actif dans la préservation de leur santé.
- Sur la base de données génétiques et biométriques, elle ouvrira la voie à des traitements sur mesure.
- Elle tirera parti des plateformes numériques pour favoriser la collaboration entre professionnels de santé et patients.
Cependant, le développement et la mise en œuvre de stratégies de e-santé nationales, soutenues par le Programme mondial de partenariat de la e-Santé de l’OMS, connaissent de fortes disparités régionales.
Des pionniers de la santé numérique dans les pays développés
Le Japon, la Corée du Sud et Israël qui a intégralement numérisé son système de santé, sont des précurseurs en matière de santé numérique. Le Royaume-Uni a investi dès 2016 près de 5 milliards d'euros dans la modernisation de son infrastructure de santé. Les Etats-Unis comme la Chine bénéficient de forts atouts pour diffuser et faire adopter à grande échelle des innovations en e-santé : une population très nombreuse parlant la même langue et partageant une culture déjà axée sur l’utilisation du numérique.
En Europe, le Royaume-Uni présente « l’écosystème de e-santé le plus complet et le plus fertile en innovation » devant l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas et la France. Cette dernière « dispose d’une spécialisation technologique importante dans le domaine de l’amélioration de son système de santé (simplification des process, mise en relation des patients avec les praticiens) » .
Le déploiement de la stratégie de e-santé de l'Estonie est une réussite. La Finlande a considérablement accru ses exportations de technologies de santé. Le Danemark excelle dans la télémédecine. La Suède élabore un plan ambitieux pour devenir un champion de la santé numérique d'ici 2025. Cependant, la diversité linguistique et institutionnelle de l'UE génère des défis d'interopérabilité dans le traitement des données de santé, accentués par les disparités nationales dans les systèmes de santé. Pour y remédier, la Commission européenne a lancé, en 2018, un plan d’action axé sur l'accès des citoyens à leurs données de santé, la création d'une infrastructure partagée de stockage des données et l'accompagnement des citoyens dans l'utilisation d'outils numériques pour leur parcours de santé. Elle envisage également la connexion des Dossiers Médicaux Partagés (DMP) des différents pays-membres.
De forts enjeux de développement d’une couverture sanitaire universelle en Afrique
En Afrique, la mise en place d’une stratégie de e-santé est un levier de réalisation d’un des objectifs de développement durable auquel de nombreux pays aspirent : assurer une couverture sanitaire universelle pour tous. Plusieurs initiatives vont dans ce sens. La "Stratégie e-Santé 2025" du Maroc vise à développer la télémédecine, introduire le dossier médical électronique et renforcer la connectivité des établissements de santé. En Afrique du Sud, une stratégie nationale de santé numérique a pour objectif d’améliorer la prestation de soins, de gérer des dossiers médicaux électroniques et de promouvoir la télémédecine. Le Nigeria a lancé le "Plan Stratégique National de Développement de la Santé 2018-2022". Le Kenya a tracé une feuille de route pour la mise en œuvre de la santé numérique. Le Sénégal se démarque avec son "Plan National de Développement de l'Information Sanitaire (PNDIS)", visant à renforcer la gestion des informations sanitaires à travers le pays par la mise en œuvre de solutions numériques.
Par ailleurs, le taux élevé d’adoption des téléphones mobiles sur le continent facilite l’accès des populations insuffisamment couvertes par les systèmes de santé, aux solutions de santé mobile. Parmi les 150 initiatives recensées par l'Observatoire de la e-santé dans les pays du Sud, 44 % sont liées à la télémédecine. La start-up britannique Babylon Health, implantée au Rwanda, envisage ainsi de déployer son application mobile de consultation médicale dans les 25 pays membres de l'Alliance Smart Africa.
Des freins à la fourniture d’un accès équitable à l’e-santé
Cependant de nombreux obstacles empêchent les 1,3 milliard d’habitants des 54 pays africains de bénéficier du potentiel des technologies numériques : une absence de stratégie au niveau du gouvernement, une pénurie de professionnels de la santé, des infrastructures de connectivité limitées du fait de barrières géographiques, des disparités dans le statut socio-économique des patients et un faible taux d’alphabétisation à travers l’Afrique subsaharienne.
Cette situation est d’autant plus regrettable que l’utilisation accrue des technologies numériques de pointe (IA, cloud computing, IoT) dans le domaine de l’e-santé promet de nouvelles avancées. En épidémiologie, comme le montre le projet de la start-up malaisienne AIME, l’IA permettrait de repérer, avec 90% de précision, une épidémie de virus Zika et de dengue en Afrique. Déjà les algorithmes d'apprentissage automatique de l’IA, qui analysent des big data pour identifier des tendances et prévoir les risques de maladies, offrent des possibilités de prévention précoce. Dans le domaine du diagnostic, l’IA permet de détecter plus rapidement et précisément des anomalies en interprétant des images de radiographies et de scanners.
Des clés de réussite
Le développement d’une stratégie nationale de e-santé requiert un engagement fort des gouvernements. Elle doit pouvoir s’appuyer sur une ambitieuse stratégie de transformation numérique des Etats qui place les TIC au service du progrès. Elle demande la mise en œuvre d’une coopération renforcée entre les organisations internationales, les gouvernements et les organisations locales. Elle doit faciliter les partenariats public-privé.
L'interopérabilité des systèmes joue un rôle essentiel dans l'évolution de la e-Santé pour favoriser l'intégration harmonieuse et l'échange fluide d'informations entre différentes plateformes et dispositifs médicaux. L'évolution des normes et standards de la e-Santé constitue un pilier majeur de cette interopérabilité car elle assure une cohérence dans la collecte, le stockage et le partage des données de santé, encourage l'innovation et garantit la sécurité des informations médicales.
Investir dans la R&D facilite l'émergence de solutions innovantes et personnalisées pour répondre aux besoins spécifiques des patients et des professionnels de santé d’un pays et améliorer la qualité des soins.
Faciliter l'engagement des patients via des applications interactives consolide leur responsabilité individuelle dans la gestion de leur santé, stimulant une adhésion plus efficace aux traitements.
Rendre la e-santé plus inclusive en permettant au plus grand nombre d’accéder à des services numériques de santé, indépendamment de leur emplacement géographique, de leur situation-socio-économique ou de leurs capacités physiques, reste un défi pour de nombreux gouvernements dans le monde.