Les gouvernements ont joué un rôle crucial dans la crise sanitaire mondiale grâce aux technologies numériques. Cependant, pour assurer l’inclusion de tous, un écosystème numérique inclusif et intégré est indispensable pour « Ne laisser personne de côté».
La 12è enquête de l’ONU sur le développement de l’E-Gouvernement dans le monde, publiée en 2022, souligne les contributions croissantes de la transformation numérique et du gouvernement numérique pour accélérer la réalisation de l’Agenda 2030. Grâce aux technologies numériques, les gouvernements ont pu jouer un rôle clé pendant la crise sanitaire mondiale. Des efforts supplémentaires restent nécessaires pour « Ne laisser personne de côté ».
Méthodologie de l’étude E-Gouvernement 2022
La Direction des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies (UNDESA) a publié, en juin 2022, la
12ème édition de son enquête sur le développement de l’E-Gouvernement des 193 Etats membres de l’ONU,
« E-Government Survey 2022 », sur la base de l’indice EGDI (E-Government Development Index) représentant
la moyenne pondérée de trois indicateurs :
- Le « Télécommunication Infrastructure Index » (TII) : pénétration des infrastructures fixes et mobiles d’accès à internet.
- Le « Human Capital Index » (HCI) : taux d’alphabétisation des adultes et de scolarisation.
- Le « Online Service Index » (OSI) : quantité et qualité des e-services fournis. Pour la première fois en 2022, l’OSI a été affiné et calculé sur la base de 5 sous-indices pondérés : fourniture de services (45%), e-participation (35%), cadre institutionnel (10%), technologie (5%), fourniture de contenu (5%).
Cette nouvelle version de l’enquête s’étend à l’évaluation des portails des villes, passant de 100 villes évaluées
en 2020 à 193 en 2022, représentant la ville la plus peuplée de chacun des 193 États membres des Nations
unies. Le «Local Online Services Index» (LOSI) repose sur 86 indicateurs répartis en 5 critères distincts.
Évolution régionale et nationale modérée de l’E-Gouvernement
L’utilisation croissante du digital a accentué l’urgence mondiale de la transformation digitale. Bien que les valeurs de l’EGDI aient globalement progressé, l’accélération de ce développement n’a pas été significative au cours des deux dernières années. La valeur moyenne mondiale de l’EGDI est passée de 0,5988 en 2020 à 0,6102 en 2022, reflétant une légère augmentation attribuable au renforcement des infrastructures de télécommunication et au développement du capital humain. L’Europe maintient son leadership en matière de développement de l’E-Gouvernement, suivie par l’Asie, les Amériques, l’Océanie et l’Afrique. Pour la première fois depuis 2016, la valeur moyenne d’EGDI de l’Océanie a connu une diminution, principalement en raison d’une baisse de 20% de la valeur moyenne du TII régional au cours des deux dernières années. L’Afrique a enregistré des progrès significatifs, avec une augmentation de 3,6 % de sa valeur moyenne d’EGDI. Certains de ses pays ont amélioré leur infrastructure de
télécommunications, ce qui les a aidés à construire une base solide pour accélérer la transition vers l’administration numérique. Toutefois, leurs efforts sont compromis par le coût des abonnements au haut débit mobile, nettement plus élevé en pourcentage du revenu national brut par habitant.
Les résultats de l’enquête 2022 confirment donc la poursuite de la tendance mondiale positive vers des niveaux plus élevés de développement de l’E-Gouvernement. 14 pays sont passés dans des groupes à l’indice EGDI supérieur, tandis que 3 ont rétrogradé. Le Danemark, la Finlande et la République de Corée occupent les premières places du
classement de 2022. Seuls 4 pays sur 54 en Afrique ont un EGDI supérieur à la moyenne mondiale : l’Afrique du Sud, Maurice, les Seychelles et la Tunisie.
L’E-Gouvernement local progresse moins significativement
Au niveau local, la valeur moyenne du l’OSI Local (LOSI) est passée de 0,43 à 0,51 entre 2020 et 2022. Les villes jouent un rôle clé dans la conduite du changement national et mondial et dans l’amélioration de la vie des gens. Malgré la persistance d’un écart de performance digitale entre les portails des villes et leurs homologues nationaux, la plupart des villes – en particulier les plus peuplées – ont amélioré leur score, grâce à
un meilleur accès à des ressources importantes (main d’oeuvre qualifiée, large base de connaissances et de compétences, budget public dédié).
Une évolution significative des services en ligne à l’ère du COVID-19
Au cours des deux dernières années, le développement digital s’est accéléré dans le monde. La plupart des pays se sont concentrés sur la gestion de la pandémie de COVID-19, en donnant la priorité à la fourniture de services en ligne qui ont mis l’accent sur des secteurs cruciaux tels que la santé, l’éducation et la protection sociale. Le nombre
de pays qui proposent des services permettant aux utilisateurs de demander des programmes et des prestations de protection sociale (soins de maternité, allocations familiales, pensions et allocations de logement et de nourriture) a augmenté de 17% depuis 2020.
Les populations traditionnellement identifiées comme vulnérables (personnes pauvres, personnes handicapées, personnes âgées, immigrants, femmes et jeunes) ont bénéficié des progrès réalisés : le nombre de pays fournissant des informations et des services ciblant des populations vulnérables spécifiques a augmenté de 6% entre 2020 et 2022. Il n’en reste pas moins que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour veiller à ce que « personne ne soit laissée de côté » dans l’E-Gouvernement et dans le processus plus large de numérisation.
La tendance est clairement à la numérisation complète des services gouvernementaux, ce qui donne aux utilisateurs la possibilité d’effectuer pratiquement tous les types de transactions entièrement en ligne. Cependant, à l’heure actuelle, de nombreux pays utilisent leurs portails pour fournir des informations et n’offrir que des services partiellement numérisés, ce qui oblige les citoyens à se présenter en personne dans les administrations pour effectuer la plupart des transactions.
Un double impact de l’E-Gouvernement pendant la crise du Covid-19
La pandémie de COVID-19 a souligné l’importance cruciale de la transformation numérique pour garantir la communication et la collaboration entre les décideurs politiques et la société. 90% des pays ont mis en place des portails dédiés ou créé un espace dans leurs portails nationaux. Grâce aux technologies numériques, les gouvernements ont pu assurer une prestation efficace des services publics essentiels, créer ou renforcer des liens dans une période d’isolement, d’incertitude et de vulnérabilité croissants. Les nouvelles technologies ont ainsi joué un rôle crucial dans leurs efforts pour coordonner la réponse à la pandémie et susciter la coopération du public.
Globalement, la pandémie a eu un impact significatif sur les économies et les sociétés du monde. Elle a accéléré
le processus de transformation digitale, modifié le rôle de la numérisation ainsi que sa perception aux niveaux international, régional, national et local. Pour preuve : le nombre d’internautes est passé de 4,1 milliards en 2019 à 5,2 milliards en 2022 !
Cependant, ce sont généralement les groupes les plus faciles à atteindre qui ont le mieux profité des progrès notables de l’E-Gouvernement, tandis que de nombreuses populations parmi les plus pauvres et les plus vulnérables ont été « laissées de côté ». L’Enquête de 2022 révèle qu’environ 45% de la population combinée des États Membres des Nations Unies (3,5 milliards de personnes) reste en retrait malgré les investissements technologiques et les progrès de développement dans de nombreux pays. La fracture digitale existait bien avant la COVID-19 mais elle a été exacerbée par la pandémie qui a accentué les inégalités socioéconomiques et digitales. La
numérisation accélérée du secteur public a amplifié aussi cette tendance. Le clivage entre digitalement connecté et digitalement déconnecté continue de se creuser : très peu de pays montrent qu’ils se sont engagés dans des consultations en ligne impliquant des groupes vulnérables.
Pour relever les défis liés au développement et à la pandémie, les gouvernements doivent accorder la priorité aux populations vulnérables. À moins qu’une action décisive ne soit entreprise par la communauté internationale, la fracture numérique risque de devenir le « nouveau visage de l’inégalité ».
« Ne laisser personne de côté » dans la société digitale hybride
« Ne laisser personne de côté » dans l’évolution de la société digitale hybride est un défi pour les pays développés comme pour les pays en voie de développement. Malgré les progrès des deux dernières décennies, la conception inclusive n’a pas bénéficié d’une attention suffisante. Alors que les services et les systèmes publics dépendent de plus en plus de la connectivité digitale, les pays et les communautés dépourvus de l’accès, des outils ou des compétences digitales nécessaires auront de plus en plus de mal à tirer parti des avantages et des opportunités qu’offre la société digitale. Le nouveau visage de l’inégalité est digital.
Des efforts proactifs sont nécessaires pour reconnaître et identifier les lacunes et fournir aux populations vulnérables des mécanismes d’engagement : reconnaître que l’exclusion existe, identifier les obstacles à l’inclusion numérique, élaborer une stratégie de mise en oeuvre ciblée. Aux niveaux politique et réglementaire, les gouvernements devraient adopter des stratégies «inclusion par design», « inclusion par défaut » ou «inclusion d’abord» pour contrer la tendance mondiale à l’adoption de stratégies numériques par défaut, numériques d’abord, de gouvernement invisible et de guichet unique. Des approches ciblées, localisées et contextuelles sont essentielles, car tous les groupes exclus ne sont pas confrontés aux mêmes obstacles ou ne sont pas affectés dans la même mesure. La communauté mondiale peut contribuer à ce qu’aucun pays ne soit à la traîne en matière d’administration numérique grâce à l’échange de connaissances, aux partenariats stratégiques et au renforcement des capacités en collaboration.
La pandémie a également montré que l’avenir est hybride et non numérique. L’objectif premier n’est pas le développement numérique mais le soutien au développement humain par la numérisation. Un écosystème numérique inclusif et intégré est indispensable pour «Ne laisser personne de côté».